lundi 13 mars 2017

Les difficultés techniques sur l'Everest

Photo : Antoine Bousquet - PD+ ou AD- (mon avis)
Le trek du camp de base se positionne en class 1 avec des passages en class 2 (Yosemite decimal system), c’est à dire en F avec quelques passages PD- dans le système Alpin.

L’ascension du Kalapatar (5.600m) se positionne en class 2 principalement du fait de l’altitude et de quelques passages d’escalade au niveau du sommet où on peut s’aider des mains, soit du PD.

Au-delà du camp de base N° 2, sur la face du Lhote vers 6.800m/7.000m et vers le Sommet Sud il y aura quelques passages en class 3 (PD+ / AD-) avec la nécessité de grimper en s’aidant des mains, en étant assuré…

Et évidemment, le glacier de Khumbu, popcorn field, une des portions de l’ascension la plus redoutée des grimpeurs, est noté en class 4 (D+) à cause de ses terribles échelles suspendues et de son passage vertical en fin de glacier. Cette portion nécessite un assurage correct, l’usage des pieds et des mains, de connaître les techniques de contre-force et d’assurage et de ne pas avoir peur d’une crevasse de…. 500m de profondeur, un demi kilomètre.  Mais à part quelques passages un peu chauds, l’essentiel du glacier correspond à une classe 2 ou 3.
D’autres passages au sommet sont en class 4 : l’illustre « Hillary Step », the « Southeast Ridge », une partie de la face du Lhotse avant le camp N°4, et la « corniche traverse ».

Pas de class 5 sur l’Everest !
Décevant ! Même du fait de l’altitude. La plus grosse difficulté est une class 4 avec l’Hilary Step (entre D+ et TD-) !

LES SYSTEMES DE CLASSIFICATION DES DIFFICULTES TECHNIQUES :

En alpinisme, les itinéraires font l’objet d’une cote qui détermine le niveau de difficultés. Le hic c’est qu’il existe plusieurs systèmes de cotation. Il y  a l’échelle à 6 niveaux dite alpine (The European Climbing Scale), l’échelle à 5 niveaux dite d’Alaska « The Alaskan Climbing Scale » ou encore la Classification selon le Yosemite Decimal System,  initialement conçu pour l’alpinisme sur roche et tant d’autres selon que l’on est sur cascade de glace, roche…

Moi, j'utilise la cotation globale « alpine », celle que l’on utilise dans le massif du Mont-Blanc.
La cotation est réalisée en tenant compte de plusieurs critères :
L’approche (longueur, diifficulté)
Descente, difficile ou pas, longue, pierrier…
La qualité des relais (emplacement, écart…)
La qualité de la roche de la neige ou de la glace
La longueur des sections les plus dures
L’exposition des pentes
L’engagement physique nécessaire
La possibilité ou pas de battre en retraite
L’Altitude
C’est la difficulté maximale de l’itinéraire qui détermine la classification.
Et tout cela en conditions  météorologiques standards, normales, aussi en cas de mauvaises conditions, il faut dégrader la cotation.

F            Facile, Fastoche…  
PD         Peu Difficile.
AD        Assez Difficile.
D           Difficile.
TD         Très Difficile
ED         Extrêmement Difficile
Et il y a un 7ème niveau, ABO ou EX, abominablement ou Exceptionnellement difficile, comme le Méru dans l’Himalaya ou quelques rares endroits ailleurs.

On ajoute  un + ou un – pour souligner la tendance… Une cotation PD+ tendra vers de l’AD…

Ne pas oublier qu’en anglais les lettres ne sont pas les mêmes et que certains guides les remplacent par une échelle de I à VI :
I:    Easy
II:   Not Difficult
III:  Moderately Difficult
IV:   Difficult
V:    Very Difficult
VI:   Extremely Difficult

A cette classification s’ajoute la classification liée à la glace, au rocher ou à l’ascension mixte si il y a les deux. Pour la roche, la notation va de 3 (facile) à 9 (Très difficile), elle-même complétée des lettres a, b et c qui indiquent le niveau technique du passage le plus difficile ou la durée de l’engagement à fournir.  

F     Pas ou peu d’escalade, quelques passages pentus mais sans grandes difficultés
PD  Escalade dans le 3, passages pentus ~50/60° mais bonne possibilité d’assurage
AD  Escalade dans le 4, passages pentus, avec des portions raides, avec de bonnes possibilités d’assurage et de repos (emplacements peu exposés) 4c = AD+
D Escalade en 5a (D-)-5b, 5c (D+) de belles parois assez longues en 75/85° nécessitant une bonne technique.
TD Escalade en  6a (TD-), 6b (TD), 6c (TD+) pentes raides 75/85° avec portions verticales
ED Escalade en 7a (ED-),7b (TD), 7c (ED+) très raide, qualité de la roche ou de la glace rendant l’assurage aléatoire, haut niveau technique demandé…
ABO ou EX Escalade en 8 et 9, réservé à l’Elite de l’alpinisme mondial.

Un niveau 3 en rocher donne une note globale de PD mais en mixte celle-ci est dégradée à AD+.
 
Photo Antoine Bousquet : du super F sur le GR20 en sept 2016
F / Facile / Easy :
L’itinéraire est bien marqué et ne présente pas de pente raide, de paroi. C’est par exemple, la remontée d’un glacier facile sans crevasses, d’un éboulis, d’une courte arête… Marche encordé possible mais sans nécessité d’assurer la cordée. Pas de difficultés techniques même si quelques passages nécessitent du matériel d’alpinisme (crampons, cordes…). Techniques de base nécessaire (le classement n’est pas pour les touristes mais pour les alpinistes aussi il part du principe que les techniques élémentaires son connues).
Difficultés de roche inférieures à 3

Photo Antoine Bousquet : Toujours du F sur le GR 20 (mouillé, donc dangereux quand même)
PD /peu difficile / ND : Not Difficult
Un peu plus difficile, glacier avec quelques crevasses, longue arrête rocheuse, quelques passage d’escalade avec les mains, pentes modérées entre 35 et 45°, quelques courts passages un peu raides (40/45°), un court rappel en descente possible… matériel d’alpinisme requis (piolet…)
Exemple : l'aiguille du goûter... 
Photo Antoine Bousquet : du PD sur le glacier des Grands Montets
AD / assez difficile / MD : Moderately Difficult
Itinéraire plus difficile à repérer, nécessité de tirer des longueurs pour s’assurer, la pente est un peu soutenue (50°) avec des passages un peu plus raides. L’assurage de la cordée est nécessaire et nécessite la connaissance de plusieurs techniques. Descente en rappel possible… Certains passages peuvent être vertigineux.
En roche on sera sur de la difficulté 4.
Photo Antoine Bousquet : AD, Les Cosmiques

D / difficile / Difficult
Pente raide (50/60°), on est encordé (bien sûr) et on doit connaître les techniques d’assurage. Escalade dans des couloirs un peu chauds… Difficultés en roche de 4 soutenues ou de 5. Nécessité de tirer sans cesse des longueurs de corde. Pentes de neige ou de glace raides, glaciers crevassés avec des rimayes larges…
Touristes non entraînés, non formés, s’abstenir.
 
Photo Antoine Bousquet : D+, Face nord de l'Aiguille du Midi
TD / très difficile / VD : very difficult
Courses avec des difficultés techniques importantes, parois verticales, ou raides soutenues (65/80°). Difficultés en roche de 6, plus pour moi… j'ai plus de photo...
Jimmy Chin, le réalisateur de Meru (2015), le plus beau film de montagne que j'ai jamais vu...
Regardez ce film, il m'en voudra moins de lui avoir emprunté une photo, mais aussi vous verrez ce que vous ne ferez jamais... 
ED et EDx /extrêmement difficile étendu / Extremely Difficult
Courses engagées, paroi verticales, roche dans le 6 ou le 7…
Pas pour moi non plus, sinon il y a longtemps que j’aurai tenté les Grandes Jorasses…
A noter que le niveau ED est décomposé par les anglo-saxons en ED1, ED2, ED3 ce qui donne une échelle ouverte des difficultés.
Jimmy Chin,.... de l'abominablement difficile... 
Et puisque le l’on parle des anglo-saxons, parlons du Alaskan Climbing Scale ou du système décimal Yosemite (le YDS) qui ne compte que 5 classes générales :

Class 1 : Tu peux grimper avec des roues même si un saut de rocher n’est pas exclus.
Class 2 :  Tu peux grimper sans les mains même si quelques fois elles peuvent être utiles
Class 3 : Tu peux grimper comme un enfant en t’aidant de tes mains.
Class 4 : Là, les choses sérieuses commencent,  cordes, contre-forces, escalade réelle et engagée…
Class 5 : C’est plus pour moi, la corde cède, t’es mort. Technique parfaite nécessaire…
Meru

Compliqué toutes ces classifications. On peut les résumer en : 
Classe 1 : tu tombes, tu passes pour un con…
Classe 2 : tu tombes, tu te casses le poignet ou un bras
Classe 3 : tu tombes, tu te casses une jambe
Classe 4 : tu tombes, tu te casses un bras, une jambe, le crâne. Tu n’es pas encore mort… mais ça ne va pas tarder…
Classe 5 : tu tombes, tu es mort !

Mais rassurez-vous… la chute n’est pas la 1ère cause de mortalité sur l’Everest (cf mon article sur la mortalité).

La bande annonce de Meru : https://www.youtube.com/watch?v=YvS6O9lVkkg

Le site officiel du film : http://www.merufilm.com
Là, vous ne verrez que du ABO ou EX... 





Meru = ABO / EX

mercredi 8 mars 2017

La fréquentation et la mortalité sur l'EVEREST


Pas mal de monde autour de moi s’inquiète de cette expédition sur les pentes de l’Everest et j’entends tout et n’importe quoi sur le nombre de morts, les causes d’accidents ou de décès, aussi une petite recherche pour savoir de quoi on parle s’imposait et pour rassurer tout le monde (et surtout ma chérie…).
D’abord, avant de parler de mortalité, parlons de fréquentation. Un pourcentage s’il n’est pas rapporté à un nombre ne veut pas dire grand-chose.

La fréquentation de l’Everest

Difficile de trouver des chiffres récents sur le nombre d’alpinistes qui ont gravi l’Everest. On y arrive à travers les statistiques sur le taux de réussite de l’ascension qui sont publiés par «l’ himalayan database » (que je recommande pour les fous de chiffres).

En 2012 : depuis les premières expéditions des années 50, 19.121 personnes avaient séjourné au camp de base pour se lancer à l’assaut du toit du monde, 6.206 alpinistes ont atteint le sommet (dont environ 300 femmes), soit un taux de réussite de 32%. Les 2/3 des alpinistes ayant tenté l’Everest ont échoué. Certains y sont mort…

L’ascension de l’Everest a connu trois phases :

De 1950 à 1970 avec la période des grandes expéditions. Hitler avait envoyé plusieurs expéditions pour vaincre le toit du Monde et servir sa propagande mais toutes ont échouées. Il faut attendre 1950 à 1953 pour que plusieurs grandes expéditions de plusieurs centaines de personnes avec des tonnes de matériel et de vivre s’attaquent à l’Everest jusqu’à la 1ère du 29 mai 1953 de Edmund Hillary et Tensing Norgay.

Mon frère et moi avons eu l'extraordinaire privilège de rencontrer à Namche Bazaar au "Liquid Bar" Jamling Tensing Norgay, le fils du 1er homme ayant gravit l'Everest. Il revenait tout juste d'une ascension de l'Island Peak (un 6.000) et venait assister comme nous à la diffusion du film "Sherpa" qui racontait l'avalanche de 2014 et la grève des sherpas qui s'en est suivie. Myke, mon frère, était au camp de base de l'Everest lors de cette situation inédite où les expéditions ont été annulées. 
Photo Antoine Bousquet & Myke Ge - Mai 2017
De 1953 à 1970, le nombre d’alpinistes à tenter le sommet est très faible, quelques cordées seulement et très peu atteignent le sommet.

De 1970 à 1990 ce fut une période de transition avec une augmentation des expéditions, quelques dizaines chaque année. La première expédition française, dirigée par Pierre Mazeaud, atteint le sommet le 15 octobre 1978, je m’en souviens, ça avait fait grand bruit à l’époque. La première française atteindra le sommet le 5 octobre 1990, c’est Christine Janin avec qui j’ai eu la chance, le privilège de dîner un soir à côté d’elle, un dîner avec Catherine Chabaud, Christine Ockrent et Bernard Kouchner, la veille du départ de la route du rhum en 1998, 15 jours après la naissance de mon fils Geoffroy, quelle femme extraordinaire, pas bien grande, mais quel dynamisme, quelle passion dans ses yeux…  On ne croise pas tous les jours des personnes aussi particulières, puissantes, exceptionnelles… J’ai encore l’impression que c’était hier ! On peut voir la photo de Christine Janin au sommet de l'aiguille du Midi parmi celles des plus grands alpinistes du monde... 

De 1950 à 1989 2.560 alpinistes ont tenté le sommet, seulement 219 ont réussi, soit 8,55% de réussite.
Ce taux de réussite n’a cessé de progresser au fil des années grâce aux progrès techniques, à l’équipement des voies, à l’organisation des expéditions…  Pour la seule année  1990 il est passé à 18% de succès avec 72 alpinistes au sommet sur les 400 qui ont tenté leur chance.

Et enfin, à partir de 1990 l’exploitation touristique du sommet avec chaque année des centaines d’alpinistes qui se lancent à l’assaut de l’Everest. L’Everest est devenu un business, faisant même de Lukla le 2ème aéroport du Népal par la fréquentation. Voir mon article sur Lukla, un des aéroports les plus dangereux du monde…
Un business qui fut la cause de compétitions malsaines (sujet repris dans le film « Everest ») entre les agences d’alpinisme, de pollution du fait des tonnes de matériels et d’ordures abandonnées dans les camps de base, d’accidents et de  décès causés par un manque de préparation des alpinistes amateurs en quête d’exploits…
Everest Base Camp Mai 2017 -  Antoine Bousquet and Myke Ge (my brother)
De 1990 à 2009, 5.742 alpinistes ont tenté le sommet, 2.222 ont réussi soit un taux de réussite de 38,7%
A la fin des années 2000, début des années 2010 l’Everest a connu une période folle et totalement excessive. Ce fut le temps du plus jeune au sommet (2010, 13 ans), du plus vieux (80 ans), de la descente en surf de ses pentes, de son ascension en courant (16 heures), et surtout de files d’attente interminables au sommet causant de graves accidents. Une folie ! Quand on voit la photo (mai 2012, camp de base N°4), de la file d’attente au départ du camp de base d’attaque (8.000m) on n’a vraiment pas envie de s’y mêler et de retrouver l’ambiance des quais de Seine depuis que la dictateure (pardon, la maire) de Paris a fermé les voies sur berge.  

En mai 2018, pendant que j'étais là bas, un népalais de 85 ans, Min Bahadur Sherchan, a essayé de battre le record du plus vieil homme au sommet. il n'a pas dépassé le camp de base où il est mort, et de ce fait n’intégrera pas les statistiques des morts de l'Everest qui ne comptabilisent que les victimes au delà du camp de base. Un Néo zélandais de 49 ans est mort d'une embolie cérébrale a quelques centaines de mètres de Lobuche (4.900m), il était seul, rejoignait le camp de base où il devait retrouver son expédition, ce qui souligne une fois de plus qu'il ne faut jamais partir seul dans ce genre de périple même si on est super entraîné. 
Au même moment, Kilian Jornet, l'ultraterrestre, battait un nouveau record hallucinant en gravissant deux fois le sommet de l'Everest dans la même semaine, sans oxygène, à l'ancienne (en style alpin, sans se servir des cordes posées). 
2018 fut une saison meurtrière avec plus d'une dizaine de morts, dont Ueli Steck, un des meilleurs alpinistes suisse, tombé (1.000 m de chute) sur le Nuptse vers 6.000m lors d'une course acclimatation. Le 24 mai, quatre corps furent découverts morts de froid dans une tente à côté du camp IV (vers 7.900m). Le médecin américain Roland Yearwood et Vladimir Strba trouvèrent la mort dans la zone de mort, au dessus de 8.000m. L'alpiniste indien de 27 ans Ravi Kumar est mort en redescendant du sommet... A tous ces morts au dessus du camp de base, il faut ajouter les décès intervenus avant le camp de base et là, il n'y a pas de chiffres, pas d'articles dans les journaux, les morts sur l'aéroport de Lukla, le plus dangereux du monde (voir mon article) où quelques jours après notre départ un avion s'est encore craché, deux morts! Certaines années l'aéroport de Lukla tue plus que l'Everest !

Pour la seule année 2012, 547 alpinistes ont atteint le sommet, sur 976 qui se sont élancés du camp de base, soit 56% de réussite.  L’Everest est devenu un boulevard où toutes les cordées se lancent en même temps à l’attaque du sommet créant une file indienne interminable après le camp de base N°4 du col sud.
Il existe deux fenêtres de tir de quelques jours chacune pour se rendre au sommet, l’une fin mai, l’autre en octobre, aussi durant ces quelques semaines, c’est l’embouteillage dans les camps de base et dans les couloirs, une des cause de bon nombre d’accidents. Dans les années 90 environ 60 à 120 personnes atteignait le sommet chaque jour dans ces fenêtre de tir de quelques jours, en 2011 / 2012 c’était plus du double.

Depuis ces excès, l’état népalais essaye de contrôler  l’affluence sur les pentes de l’Everest pour éviter cette surpopulation. Il a aussi lancé plusieurs campagnes pour évacuer les ordures, déchets, matériels abandonnés qui borde le tracé. Il a très considérablement augmenté les permis de trekker et le permis d’ascension de l’Everest, ce dernier étant désormais de 18.000 $. Le coût de l’ascension de l’Everest pour un alpiniste est désormais autour de  70.000 $, 40% plus cher qu’il y a 10 ans. Ça peut en refroidir certains. En 2018 l'état Népalais a limité à 300 le nombre de permis de grimper l'Everest. 

En mai 2012, le 100ème français depuis l’ascension de Pierre Mazeaud en 1978, a atteint le sommet.

Donc, dernier chiffre connu, environ 1.000 alpinistes transitent par les camps de base chaque année et 50 à 60% atteignent le sommet.

La Mortalité sur l’Everest

Evidemment, ce n’est pas le mont Cassel dans les Flandres ou le géant de Provence, le Mont Ventoux, ni même le Mont-Blanc, c’est l’Everest ! Un des plus beaux endroits du monde mais aussi un des plus dangereux.  A son sommet, vous êtes à l’altitude d’un jet commercial. La prochaine fois que vous prenez l’avion, amusez-vous à regarder la température en fonction de l’altitude sur les télévisions de bord et vous comprendrez vite les difficultés auxquelles sont confrontés les alpinistes. Bon nombre d’entre eux y ont laissé la vie, et certains – plus chanceux – seulement un ou plusieurs orteils, ou un nez et quelques doigts si on retient l’aventure de Beck Weathers, un miraculé, « Laissé pour mort à l’Everest » racontée dans le film « Everest ».
Puisque l'on parle lecture, je vous recommande aussi le roman "100.000 dollars pour l'Everest", d'Yves Ballu qui a lu ce blog et m'a contacté ensuite, un honneur ! Il est pour ma génération ce que Frison Roche a été pour celle de mes parents. 

L’altitude est la première variante du taux de mortalité. Plus on monte, plus le taux de mortalité augmente, c’est logique car plus on monte, plus le MAM fait des dégâts, plus il fait froid… Il redescend après 8.500m car on y reste pas longtemps et comme il fait très froid, il y a moins d’avalanches (1ère cause de mortalité) et de chute de pierres ou de séracs.
Tableau ci-dessous décrivant les taux de mortalité selon l’altitude pour tous les sommets de l’Himalaya (et seulement l’Himalaya, pas l’Annapurna). En bleu les alpinistes occidentaux, en rouge les sherpas.

Il est difficile d’avoir des chiffres exacts pour le seul Everest. Le chiffre qui revient le plus souvent sur les sites sérieux est que de 1953 à Août 2015, 282 personnes sont mortes sur les pentes de l’Everest (dont 169 alpinistes occidentaux et 113 sherpas). Ca ne comprend pas toutes les cordées d’Hitler et les autres qui ont tenté l’aventure avant. Ces chiffres ne comprennent pas les morts au camp de base et en dessous, seulement celles intervenues dans l’ascension finale. Sur ces 282 morts, 102 étaient des alpinistes tentant de grimper le sommet sans bouteilles d’oxygène, occasionnant des troubles de conscience entrainant des chutes.
La plupart des cadavres au-delà du camp N°IV sont toujours dans la neige. Le tracé final pour le sommet est bordé de nombreux cadavres, certains servent même de points de repère aux alpinistes. Voir en fin d’article, si vous avez le cœur bien accroché, les images sont choc !
Sur la seule période 1950-2009, l’Everest a connu 210 morts dont 139 alpinistes occidentaux et 71 sherpas. Ce qui fait un taux de mortalité de 1,52% chez les alpinistes et de 0,97% chez les sherpas. 
Avec 1,52% de mortalité, l’Everest est en dessous de la moyenne des sommets de l’Himalaya (1,55%).
Le sommet le plus meurtrier du Népal est le K2 (qui n’est pas dans ces statistiques car en dehors de l’Himalaya) dont le taux de mortalité était de 29% depuis la première (chiffre de 2013 : 89 morts, 306 alpinistes arrivés au sommet).

Les principales causes de décès :

Sur l’ensemble des sommets himalayens, et au-dessus des camps de base, la 1ère cause de décès chez les alpinistes occidentaux (608 morts entre 1950 et 2009) est la chute (39% des décès), suivi par les avalanches (28,8% des décès) puis par le mal des montagnes (7,6% directement, mais celui-ci est très souvent à l’origine d’une autre cause de décès en provocant, par exemple, une chute). Voir mon article sur le MAM, mal aigu des montagnes. Les crevasse ne représentent que 2,5% des accidents mortels. 
Cet autre graphe particulièrement intéressant de l’Himalayan Database détaille les principales causes de décès dans le massif de l’Himalaya en fonction de l’altitude.
On y constate 22% des alpinistes occidentaux sont morts en dessous de l’altitude du camp de base (5.350m) de l’Everest, essentiellement du fait des avalanches et des « autres causes » mais en fait le mal des montagnes est souvent à l’origine de la cause flagrante du décès. Mon Frère Myke a publié aujourd’hui (7 mars 2017) un article sur la mort d’un alpiniste australien à Lobuche (4.910m), mort d’épuisement du fait du MAM.
Au-delà de 5.500m, en très haute montagne, les chutes deviennent une des principales causes de décès.

Sur un autre graphique, on peut constater que 3,1% des décès des alpinistes occidentaux interviennent en moyenne montagne lors du trek du camp de base (15,6% pour les sherpas !!!), et que le gros des décès, 44,4%, interviennent dans la marche d’approche vers le camp de base d’attaque. 
Les causes de ces 44,4% de décès liés aux étapes entre le camp de base et le camp d’attaque sont principalement dues, pour moitié, aux avalanches, qui sontle risque N°1 entre 4.000m et 7.000m d’altitude.
 Dans le cas particulier du sommet de l’Everest, la proportion de chute est très nettement supérieure avec 57,5%, mais ce ne serait pas la cause première, ces chutes pouvant être dans bien des cas la résultante d’une affection au Mal des Montagnes qui peut perturber la vision, le jugement, et tout l’organisme. Les disparitions inexpliquées, deuxième cause de mortalité avec 8,3% peuvent aussi être une conséquence du Mal des Montagne, qui directement cause 7,5% des décès (embolie pulmonaire ou cérébrale). 
Conclusion :
Quand on me dit qu’un quart des alpinistes qui tentent l’Everest y laisse leur peau, c’est faux, il ne faut pas confondre avec le K2. Le taux de mortalité depuis 1950 est de 1,52% et est très forte baisse chaque année du fait de la technicité des vêtements, des équipements des voies…  En plus, je ne vais pas au sommet et dans les basses altitudes ce taux diminue considérablement, les ¾ des décès interviennent au-dessus de 6.500m. A noter, ¼ des décès ont lieu entre 6.500 et 7.000m !
Donc tout va bien. Pas pure précaution j’ai pris une assurance spécifique rapatriement, assistance, et j’ai rédigé mes dernières volontés, mais vraiment parce que je suis hyper prudent et prévoyant.

Annexe : l’Everest et ses morts, l’Everest cimetière de braves…

Au-dessus du camp IV, les efforts sont tels qu’ils ne peuvent être consacrés à la récupération des cadavres aussi, sauf exception, ceux-ci restent là où leur hôte est mort. Certains servent de repère aux alpinistes, comme « Green Boots » - un des plus connus -  où quand on le dépasse, on sait exactement combien de temps il reste jusqu’au sommet… L’Everest est un cimetière à ciel ouvert !


Un des plus connu des cadavres de l’Everest est « green boots ».
Green boots, c’est le surnom d’un alpiniste inconnu, occidental ou sherpa, on ne sait pas, qui aurait succombé à priori lors de la tempête de 1996 (celle de l’histoire du film « Everest ») et qui est devenu un repère pour tous les alpinistes qui s’attaquent au sommet par le nord (Tibet). Le corps est à 8.460m entre le camp d’attaque (le camp 5 côté nord, et les derniers obstacles techniques de l’ascension). Il avait des bottes vertes, ce qui est assez rare dans la gamme des chaussures thermiques de haute montagne (voir mon article sur les chaussures) d’où son surnom. La photo ci-dessus est aussi une des plus connues des cadavres de l’Everest. Son corps était soudé à la roche à cause du gel (il ne fait jamais plus de -25° à cette altitude) mais il paraît que depuis 2014 on ne le voit plus, qu’il aurait été déplacé et enseveli par la neige…
Green boots était aussi le symbole du « chacun pour soi » qui prévaut dans la death zone (> 7.900m) ou l’Esperance de vie est de… 48 heures et où, contrairement à la philosophie des montagnards, il n’est pas question de risquer sa vie pour sauver celle d’un inconnu. Chacun pour sa pomme… pas besoin d’aller au-delà de 8.000m pour connaitre cela, venez travailler dans ma banque à 33m d’altitude (Paris), vous saurez de quoi on parle !

L’autre cadavre illustre de l’Everest s’appelle George Mallory !
Lui, c’est par forcément le plus connu mais c’est mon préféré. Pour plein de raison. D’abord il  toujours voulu escalader l’Everest et quand on lui demandait pourquoi il répondait « beacause it is there » et c’est devenu une maxime de base pour tout amateur de montagne. Il a tenté, il y est resté, en 1924…. Et on n’a jamais su s’il était allé au sommet, ça reste un des mystères de l’Everest.
Ensuite parce que dans le film « Meru » (un chef d’œuvre, le plus beau film extrême en montagne) il est dit que le héros Conrad Enker, le vainqueur du Meru, la plus difficile montagne au monde, est devenu célèbre en découvrant en 1999, 75 ans après sa mort, le corps de George Mallory. Et enfin, le corps est tellement décomposé qu’il donne une idée d’Avant et Après l’Everest… j’ose la blague…


Puis un autre exemple de cadavre illustre (il y en a plus d’une centaine, fallait bien choisir), David Charp, mort en 2006, lui, il me scandalise. Il est mort près de « Green Boots » lors d’une ascension en solitaire (bon d’accord, il y en a qui cherche les complications, moi j’ai une assurance vie, Myke) il s’est retrouvé en hypothermie et a voulu rejoindre une grotte qu’il n’a jamais atteinte mais dont il montre l’entrée à tous les alpinistes. Encore un cadavre repère. Jusque-là, son histoire est un « incident » classique sur la voie du sommet de l’Everest, mais là où ça devient choquant, c’est qu’une quarantaine de grimpeur lui sont passé à côté pendant deux jours, voyant qu’il était en vie et incapable de s’assumer et qu’aucun ne s’est arrêté, qu’aucun lui a proposé son aide, qu’aucun lui a porté secours. C’est absolument contraire à toutes les règles (ce ne sont même pas des règles, mais des comportements naturels) de l’alpinisme où la priorité n’est pas le sommet mais la survie de la cordée et des gens que l’on croise, la solidarité. Bon d’accord, je n’ai jamais été dans la death zone, je n’ai jamais été plus haut que le mont-blanc jusque-là… et peut-être que l’instinct de survie efface les règles de base de cette noble discipline, mais quand même…

Son corps a été récupéré en 2007 et descendu, au moins un des cadavres des plus de 8.000 qui aura eu une sépulture traditionnelle.
Et enfin, on pourrait rajouter le cadavre de Rob Hall le héros du film Everest, lui il avait les valeurs de l’alpiniste, il a voulu aider un de des amis à accomplir le rêve de sa vie, mais il a déconné, il a oublié les règles de base de la haute montagne, c’est elle et le climat qui dicte sa loi qui s’impose à toi, il a oublié les fondamentaux de la survie au profit des élans du couer… c’est respectable. Le respect est un dû, l’estime est un choix personnel et il a la mienne, il est mort pour une belle cause.   

Mémorial Scott Fischer - Photo Antoine Bousquet mai 2017

Mémorial Rob Hall - Photo Antoine Bousquet mai 2017

Photo Antoine Bousquet
Photo Antoine Bousquet

L’Everest est un cimetière. 16 morts en 2014 dans une avalanche, 21 au camp de base en 2015 lors de l’avalanche déclenchée par le tremblement de terre, une vingtaine de mort en 1996 lors de la tempête (celle du film)… etc…

Si bien que des expéditions sont organisées pour récupérer les cadavres qui trainent au bord du chemin. L’état népalais a monté plusieurs expéditions pour cela en demandant à ses membres de ramasser au passage les déchets que les alpinistes balancent pour alléger leurs sacs. L’Everest est un cimetière et une poubelle, je ferai peut-être un autre article sur ce dernier point… 

mardi 7 mars 2017

Le choix des chaussures

C’est l’équipement LE PLUS IMPORTANT ! C’est vraiment celui que l’on doit choisir avec soin, en étudiant les caractéristiques nécessaires, ses besoins, et en prenant le temps d’essayer plusieurs paires et plusieurs pointures jusqu’à trouver la paire parfaite.
Conseil N°1 : n’achetez jamais vos chaussures de montagne sur internet, il faut absolument les essayer.

Vous allez marcher et crapahuter pendant des jours et des jours, sur 150 km, au départ sur des sentiers bien balisés avec une température de +20°, et au niveau de Gorak Shep à plus de 5.000m dans moraines glaciaires, avec des températures négatives. Si vous voulez pousser jusqu’aux grands cols ou au glacier de Khumbu, il vous faudra cramponner ! Si vous partez en mars, il vous faudra privilégier davantage la thermicité.
Conseil N°2 : n’achetez pas des Millet Everest Summit à 700 € ni des Salomon basses à 100 € si vous vous arrêtez au camp de base. Etudiez votre besoin et décidez seulement ensuite.

Chaque paire de chaussure est conçue par le fabriquant pour un besoin bien précis !

Les chaussures dites « d’approche », tige basse, souples, très légères, respirantes… et pas très chères (100 à 150 euros). La Sportiva TX4 GTX correspond à cette catégorie : une des plus légère du marché, technique avec une membrane goretex (imperméable tout en restant respirante), super déroulé de la cheville, et une semelle agrippant bien la roche. Tentante cette paire, presque aussi légère qu’un chausson d’escalade ! Pour les deux premières étapes, elle pourrait faire l’affaire. Si vous ne dépassez pas Namche Bazar, vous pouvez opter pour ce type de chaussures, quoique personnellement je ne les recommande pas, les sentiers sont quand même chaotiques, avec des pierres, des trous… aussi une tige haute qui soutient les chevilles n’est pas du luxe.

 Les chaussures de randonnée : Tige haute pour soutenir la cheville et protéger la malléole, semelle technique pour terrain accidenté, imperméable (membrane Gore-tex), amortissantes (semelles Vibram)… et surtout… super confortable et légères.
Entre 150 et 200 € vous trouverez des chaussures pesant moins de 1,2 kg la paire, efficace et offrant un confort de marche absolu.
Ces chaussures sont conçues pour de la marche sur sentier, avec une pente raisonnable, en basse ou moyenne montagne, pas pour la haute montagne, les glaciers, les températures froides…
Exemple : la Millet High Route GTX, 1,2 Kg la paire, moins de 200 €, excellent déroulé du pied grâce à sa souplesse (semelle pas trop rigide). Talon amortissant facilitant les descentes…
Dans le même genre, il y a la Meidl Air Révolution Extra qui privilégie la respiration du pied et le confort. J’en ai une paire qui s’est avérée idéale sur le GR20 même après 6 heures de pluie non-stop où leur étanchéité a été mise à dure épreuve.
Par contre, côté thermique, les chaussures de randonnée ne sont pas conçues pour résister aux températures négatives, vous risquez de perdre un orteil si vous vous aventurez à -5°/-10° avec de tels souliers.

Les chaussures de Grande Randonnée : comme les chaussures de randonnées mais plus résistantes, plus thermiques, plus rigides, certaines sont même cramponnables en semi-automatique ou avec des lanières (pour un usage occasionnel des crampons). Mais ça reste de la chaussure de randonnée ou de trek, faite pour des sentiers escarpés, des conditions estivales (plus mi- saison pour les plus chaudes) et pas pour la haute montagne.
Une bonne paire de chaussures de Grande Randonnée, tige haute, semi-rigide tout en conservant assez de souplesse pour un bon déroulé du pied, est tout à fait suffisant pour aller jusqu’à Lobuche (4.940m) voire au-delà, Gorak Shep, Kala Patar, camp de base de l’Everest (5.365m), si les conditions climatiques sont clémentes : pas de neige ou glace, pas de températures inférieures à -5°…

Millet Everest Summit
Les chaussures d’alpinisme : Ce sont des chaussures conçues pour sortir des sentiers battus, pour marcher sur roche ou sur glacier, pour grimper (précision de l’appui), pour résister aux conditions climatiques de la haute montagne.
Et dans cette catégorie, on trouve de tout : des chaussures conçues pour les treks engagés, pour l’alpinisme plus ou moins technique estival ou 3 saisons, pour la randonnée glaciaire ou la cascade de glace, pour la très haute altitude et ses températures de -40° etc. il en existe pour tous les usages.
J’ai une paire de chaussure de montagne façon « coque » adaptée aux courses de haute montagne type Mont-Blanc mais qui ne fera pas l’affaire car elles sont tellement lourdes et rigides que les étapes de montée jusqu’à leur zone d’expertise auraient été un calvaire. Une paire de Millet Everest Summit (700 €, 2,7 kg la paire) ou de Sportiva Spantik (440 €, 2,3 Kg) ne sont pas idéale pour aller jusqu’au glacier de Khumbu, elles sont plus adaptées pour aller au-delà de 7.000m.
La Sportiva Spantik
La principale différence avec les chaussures de randonnée tient dans la rigidité de la semelle qui permet de cramponner, de grimper (climbing zone au bout), d’amortir davantage les chocs à la descente. Ces chaussures sont aussi plus épaisses, plus chaudes, plus résistantes et protègent aussi davantage le pied. Elles permettent de dépasser les 5.000 m sans difficultés. Au-delà de 5.500m/7.000m (selon les modèles ou les conditions climatiques) attention, on entre dans une autre catégorie à cause du froid. 
Mais dites-vous aussi que faire les étapes d’approche, de 2.000m à 5.000m avec de telles chaussures au pied n’est pas idéal : elles sont surdimensionnées pour les sentiers balisés, elles sont lourdes, chaudes, moins respirantes que les chaussures de randonnée, et surtout leur semelle est trop rigide et ne permet pas de dérouler des pas souples. J’ai souvent vu des alpinistes amateurs redescendre du Mont-Blanc avec des chaussures coques (en plus de location) et passé l’aiguille du Goûter pester contre le manque de confort, le poids, le manque de souplesse. Certains changent de chaussures au biveau de Tête Rousse et mettent des chaussures d’approche, et ceux qui ont voulu économiser le poids d’une seconde paire, entament la descente du désert de Pierre Ronde avec une démarche façon playmobil née de la conjugaison de la fatigue et de la rigidité des coques. En général, ils font une longue pause à la cabane des Rognes avant de rejoindre le nid d’aigle, pour soulager leurs tendons et leurs genoux. Et s’ils ont pris une paire trop petite, c’est à ce moment-là qu’ils commencent à avoir les ongles qui noircissent… 
Conclusion : choisissez des chaussures adaptées à votre besoin, ni sous dimensionnées, ni surdimensionnées, et surtout, CONFORTABLES, quitte à faire l’impasse sur d’autres critères.

Mon besoin personnel : des chaussures « couteau suisse ».

Mes godillots actuels ne sont pas adaptées aussi il a fallu que j’achète une nouvelle paire avec une idée en tête, trouver une paire « couteau suisse », à tout faire, qui soit déroulante pendant les étapes d’approche, suffisamment thermique pour éviter de perdre un orteil passé les 5.500m, imperméable tout en restant respirante pour éviter le bouillon de culture en faible altitude quand il fait chaud, résistante pour bien protéger le pied, suffisamment rigide pour permettre de la précision en grimpe et de cramponner en semi-automatique si nécessaire (trop bête de faire demi-tour à cause de névés), légère pour ne pas avoir les jambes lourdes, et par-dessus tout… confortable, comme dans des chaussons !
Et évidemment Victorinox ne fabrique pas de chaussure !

Beaucoup font le choix de prendre deux paires de chaussures : une paire légère (type tige basse) pour les étapes d’approches et une paire plus technique, plus thermique pour la haute altitude. La paire light pouvant aussi servir de « chaussons » le soir au camp de base…
Mais, si vous avez lu mes autres articles, vous vous souviendrez que l’on est limité à… 15kg sur les vols intérieurs du Népal et si l’on partage un sherpa. Et si vous avez 1,8 à 2 Kg pour votre grosse paire technique dans votre sac porteur, il va falloir faire des arbitrages sur le reste…
Initialement j’avais prévu d’emporter mes « Mont-Blanc », 2,2 Kg et mes « GR20 », 1,3 Kg. J’ai changé d’avis et j’ai préféré choisir une paire unique en étant parfaitement conscient qu’aucune des 2 solutions n’est la meilleure :
Dans un cas vous avez un surcroit de poids, dans l’autre vous allez avoir une paire de chaussure correcte dans tout, mais experte en rien.

Ma sélection :

J’ai commencé par surfer sur le web, lire les avis des professionnels ou amateurs éclairés, lire les tests (il y en a plein de disponible), et j’ai sélectionné une vingtaine de modèles à peu près dans la même catégorie pour un usage allant du trek engagé à la randonnée glaciaire en haute montagne.
Après une première élimination (prix délirant, avis catastrophiques, trop fragile, trop lourde…) j’ai retenu une douzaine de paires que j’ai analysées en détail : 

SCARPA                     TRIOLET PR TH GTX              1,8 Kg       329 €
LA SPORTIVA            TRANGO CUBE GTX              1,350 kg    275 €
LA SPORTIVA            KARAKORUM EVO GTX       1,730 kg    244 €
LA SPORTIVA            NEPAL EVO GTX                      2,050 kg   345 €
SCARPA                      TRIOLET GTX                           1,620 kg   269 €
LA SPORTIVA            NEPAL TREK EVO Gtx             1,7 kg       319 €
SCARPA                     CHARMOZ                                  1,540 kg   239 €
LA SPORTIVA            TRANGO S EVO GTX               1,4kg        219 €
LA SPORTIVA            TRANGO Guide Evo GTX         1,130 Kg  259 €
LA SPORTIVA            NEPAL EXTREME                     2,250 Kg  279 €
LA SPORTIVA            NEPAL CUBE GTX                    1,8 Kg       399 €
MILLET                      GREPON 4S GTX                       1,5 Kg       329 €

Cette étude s’est faite par rapport à mes besoins, à mes critères (ci-dessous). On a chacun les siens, aussi ne prenez pas pour certitude ce que j’expose. De plus, il ne faut pas se limiter à la vision « papier », seul l’essayage déterminera si telle ou telle paire est faite pour vous.

Mon choix : LA SPORTIVA KARAKORUM EVO GTX

Mon choix s’est porté sur cette remplaçante des NEPAL TREK qui répondait le mieux à l’ordre de mes priorités :

1°) Priorité N°1 – et de très loin avant toutes les autres – une chaussure confortable avec un très bon déroulé de la cheville, un chaussant généreux et bien garni, un intérieur bien fait sans qu’une couture ou un pli vienne vous pourrir la vie à chaque pas, et une languette souple et épaisse, j’ai le devant du pied sensible. Et comme j’ai des malléoles énormes et proéminentes, une garniture qui épouse la forme de la cheville sans être trop serré.
Et croyez-moi, il vaut mieux une chaussure un peu lourde, moche, pas assez technique, trop ceci ou pas assez cela qu’une chaussure inconfortable. Le confort est le critère N°1 que tout le monde devrait suivre.
Et là, selon votre forme de pied, certaines marques ou modèles sont davantage faits pour vous que d’autres, aussi ne vous entêtez pas acheter tel modèle alors que vous avez un doute sur son adaptation à votre pied, uniquement parce que son look ravageur orange vous a séduit.
La Karakorum a l’avantage d’avoir une tige en cuir fait en un seul bloc, pas de couture à craindre (qui dit couture dit aussi risque de se découdre). Son chaussant est assez large (pas fait pour les pieds étroits), épais et généreux. Sa tige remonte assez haut sans compresser les tibias, elle enrobe bien la cheville sans l’étouffer.

2°) Polyvalence : Une chaussure avec une technicité à mi-chemin entre la chaussure de randonnée de base et la chaussure d’alpinisme engagé et technique type cascade de glace. C’est-à-dire une chaussure qui permette de faire les marches d’approche sans avoir l’impression d’avoir des chaussures de ski au pied, avec un excellent déroulé de la cheville et confort de marche, tout en permettant de flirté avec la très haute montagne, de grimper, de cramponner, de faire de l’alpinisme classique jusqu’à AD voire AD+.
En fait, ce critère est le premier retenu en amont en vision « papier » : j’ai fait une liste de modèles entrant dans cette catégorie. Des chaussures d’alpinisme semi-rigide, cramponnable en semi-automatique qui ne soient pas des coques.

3°) Thermique : une paire qui, lorsqu’il fait -10° sur un glacier, permette de ne pas perdre un doigt de pied, ni d’avoir froid aux orteils… Ce n’est pas la grande qualité de la Karakorum, La Triolet PR TH (modèle thermique de la Triolet classique) était bien meilleure pour cela, mais bien moins confortable pour mon pied… J’ai donc privilégié le confort et acheté des chaussettes thermiques un peu épaisses et essayé les chaussures avec ces chaussettes, ça a l’air d’être parfait. Par contre quand je remettais des chaussettes normales (les Monnet de trek) j’avais l’impression que les chaussures étaient un peu trop grande, j’ai donc aussi acheté une paire de semelles fines  anti-chocs comme cela, en bas dans les rochers, j’ai la semelle antichoc, en haut dans la glace, les grosses chaussettes, pour le même remplissage de la chaussure…
La Charmoz et les 2 trango de ma liste ont été éliminées à cause de ce critère. Ce sont de belles chaussures mais elles sont vraiment faites pour l’été, pour des conditions estivales entre 3.000 et 4.000m et pas du tout pour plus froid.

4°) Efficaces, c’est-à-dire qu’elle doit avoir le minimum syndical pour être dans ma liste des nominées :
Imperméabilité, tout en étant respirante = membrane goretex qui fait le boulot. J’ai éliminé une paire de la liste car toutes les critiques s’accordaient à dire qu’elle avait un gros problème d’étanchéité ! Et marcher avec les pieds mouillé, ça fait partie du pire de ce qui peut arriver… Si la chaussure n’est pas assez respirante, alors là aussi vous aurez les pieds humides… membrane Gore Tex obligatoire.
Accroche sur roche humide, sur dévers… avec climbing zone sur l’avant. A quoi ça sert d’avoir de grosses chaussures si c’est pour glisser comme avec des mocassins ?
Amorti : le bloc semelle doit être conçu de manière à absorber les chocs dans la descente (et en montée), sinon ce sont vos genoux et votre dos qui vont prendre cher (comme dirait ma fille). Si vous avez 20 ans, vos tendons tiendront peut-être le coup… mais j’en ai plus du double… Vibram obligatoire (ou équivalent). La semelle de la chaussure doit être conçue pour amortir les pas.

5°) Légère : j’ai finalement éliminé des modèles comme la Nepal Extreme ou la Népal Evo GTX qui dépassaient 2Kg la paire. C’est rédhibitoire pour moi, pourquoi prendre une paire à 2,3 Kg alors que certaines avec 500g de moins font le même boulot. Pour une course à la journée, pas de souci, mais au bout de 100km de trek, ces 500g peuvent vous épargner bien des inconforts et des efforts.
Les Karakorum font 1,730g la paire en 42, 1,8kg en 44. Il y avait encore bien plus léger, mais plus des chaussures sont légères, moins il y a de caoutchouc dans la semelle pour amortir les chocs, moins les matériaux utilisés sont épais, résistants, thermiques… Les plus légères ne sont pas toujours les meilleures, même si les progrès ne cessent pas et que la mode actuelle va vers les chaussures ultralégères.

6°) Prix : Il ne faut pas lésiner sur le prix, d’accord, mais bon, quand dans la même catégorie on a des paires à 220€ et des paires à 400€, pourquoi ne pas tenter de commencer à chercher dans la première moitié des prix ?
J’ai donc écrêté la grille et la Nepal Cube GTX est passée à la trappe sans même les essayer… mais si c’est cette paire qui répond à vos besoins et surtout à votre confort et votre morphologie, alors l’investissement est judicieux. Un séjour réussit vaut bien une centaine d’euros, ce serait tellement bête de faire demi-tour parce que l’on a mis le prix des chaussures en critère N°1… Rapporté au prix de l’expédition ces 100 € sont bien ridicules…

7°) Look : Evidemment si on a deux paires qui répondent à tous les critères ci-dessus, on peut se faire plaisir en choisissant celle qui a le plus beau look… Mais ce ne doit pas être déterminant, c’était donc mon dernier critère, même si j’en aurai bien voulu des oranges…

La Sportiva Nepal Cube GTX
Le Choix et l’essayage :

Je suis donc allé au Vieux Campeur (le rayon le plus complet de Paris) et j’ai commencé les essayages. On voit tout de suite si ça va le faire ou pas. Suite à la première impression, j’ai short-listé 4 paires, La Triolet PR TH GTX, la  Sportiva Trango Cube GTX, La Sportiva Népal Evo GTX et à contrecœur la Sportiva Karakorum GTX. A contrecœur car au niveau look, elle sortait vraiment de ce que je cherchais, on dirait des chaussures « vintage », à l’ancienne !
Je suis assez « La Sportiva » dont la conception est assez en phase avec ma morphologie de pied. Elles ont une excellente réputation de confort et de technicité mais pas de robustesse ! Sauf si vous exercez l’alpinisme tous les weekends, la durabilité n’est pas un critère éliminatoire d’autant qu’une marque comme La Sportiva ne pourrait pas se permettre de commercialiser des chaussures mal finies ou fragiles. Elles sont justes moins solides que d’autres dans le temps et, plus gênant, certains modèles (souvent dans la nouvelle tendance des super légères) ne sont pas ressemellables. 
Ah oui, j’avais aussi idée de sélectionner les Grepon 4S (4 Saisons) GTX mais leur finition m’a semblée en dessous.
Donc j’essaye les 4 paires restantes en tâchant de répondre à mes critères ci-dessus et en procédant par élimination. Première éliminée, la Sportiva Népal Evo GTX, une super chaussure polyvalente, technique, bien faite mais un chouia trop rigide par rapport à ce que je cherchais (le fameux déroulé du pas dans la marche d’approche), et un chouia trop lourde. Deuxième éliminée, la Trango Cube GTX. Avec ses 1,350 kg, la plus légère. Assez thermique malgré sa légèreté, en tout cas mieux que les deux Trango Evo Gtx initialement mis dans ma liste et éliminée à cause de leur manque de thermicité. Mais cette Trango Cube a une forme de chaussant assez particulier et je ne me suis pas senti confortable dedans, et de plus j’avais l’impression que la semelle avait deux niveaux. Dommage, j’adorai leur look.
Sur les deux derniers modèles, la Triolet PR TH et la Karakorum, j’ai eu du mal à les départager. La Triolet TH est le modèle thermique de la Triolet GTX. Très confortable, super déroulé de la cheville, technique, elle est même cramponnable en automatique (perso, je préfère le semi-automatique) sans être trop rigide. Une belle chaussure de montagne polyvalente bien chaude et confortable.
La Karakorum, pareil, polyvalente, technique mais un peu moins thermique et avec une semelle un peu plus souple que la Triolet. Une finition cuir étanche impeccable, et au niveau confort, je me sentais mieux dans la Karakorum, donc c’est celle-là que j’ai sélectionné. Rappelez-vous, c’est le critère N°1. Tant pis pour le look, tant pis pour le côté moins thermique, le confort avant tout.
J’en ai essayé trois paires pour déterminer la bonne pointure : 44, 44 ½ et 45.
44 : Super confortable, je ne touchais pas le fond. J’étais bien… Mais… j’ai eu l’impression qu’en descente avec le pied qui glisse toujours, et avec des grosses chaussettes, je pourrai avoir les orteils qui auraient touché le fond et ça, c’est à bannir à tout prix. Je me souviens d'une descente du Mont-Blanc où la traversée à fond (limite à courir) du désert de tête ronde pour arriver au nid d'aigle avant le départ du dernier tramway du Mt Blc m'a coûté quatre ongles noirs parce que mes chaussures étaient trop justes. Prenez toujours minimum ½ pointure de plus, idéalement 1 pointure de plus.
45 : Donc j’essaye en 45, trop grand. C’est sûr, même en forçant comme un dingue sur la planche en bois en pente du Vieux Campeur je ne touchais pas le fond. Mais quand une paire de chaussure est trop grande, alors vous perdez en précision d’appui et en confort de déroulé. Je les essaye avec des grosses chaussettes, trop grand aussi.
44 ½ : parfait avec les grosses chaussettes, un peu grand avec des chaussettes fines. Mais c’est celle-là les mieux.
Pour savoir si la pointure est la bonne, retirez la semelle intérieure de la chaussure. Caller bien votre talon au bout et entre l’extrémité de votre pied (avec la chaussette que vous allez utiliser) et celui de la semelle vous devez avoir assez d’espace pour placer l’index (pas le pouce). C’est la marge nécessaire en descente pour ne pas taper au fond et risquer les ongles noirs dans le meilleur des cas, de perdre vos ongles dans le pire (il faut 1 an pour que le pied s’en remette, dans ce cas).
J’ai fait ce test avec les 44 ½, impeccable avec les grosses chaussettes, un peu trop d’espace avec les chaussettes fines, qu’à cela ne tienne, avec l’astuce de la semelle antichocs pour les jours où j’aurai les chaussettes fines, le tour était joué. En plus le vendeur me l’a redécoupé à la machine exactement à la bonne taille pour épouser la semelle d’origine de la chaussure, le petit-plus du Vieux Campeur où les vendeurs sont des spécialistes (en tout cas la plupart).

Mon avis (sans les avoir essayées sur le terrain, ce sont donc des préjugés influencés par mes propres attentes et besoins…) :


Et maintenant

Me voilà donc l’heureux propriétaire de chaussures au look ringard, mais à la qualité et au confort irréprochable, les Sportiva Karakorum GTX, des chaussures italiennes couteau suisse, des pompes à tout faire répondant aux besoins multiples que je vais rencontrer sur plusieurs milliers de mètres de dénivelé, avec une amplitude thermique de plus de 30°, avec des natures de sol bien différentes de l’herbe au glacier… Une paire unique pour gagner 2kg dans le sac (j’en aurai besoin pour le matériel photo…).
Il ne reste plus qu’à les casser, à les user avant de partir. On ne met jamais des chaussures neuves en montagne, mais ça j’espère que tout le monde le sait. Reste à trouver des idées de balades pour les user un peu, le parc Monceau étant un peu plat !
 
A côté de ces nouvelles chaussures, j’emporte aussi :
3 paires de chaussettes « Monet Trek », techniques, avec renforts là où il faut, anti frottement (pour éviter les ampoules), qui sèchent très vite (textile synthétique).
2 paires (toujours Monnet) bien chaude avec une bonne partie en laine.
2 boîtes de « compeed », ces pansements étudiés spécialement pour guérir les ampoules, une pour les orteils, l’autre pour la voute plantaire. Ça coute plus de 10 € la boîte de 6 mais ce sont les meilleurs…

1 paire de chaussons The North Face pour être bien au chaud et confort le soir au camp de base ou dans les lodges. 220 grammes seulement. C’est tellement bon de soulager ses pieds le soir en les sortants des grosses chaussures où ils ont gonflé, où ils ont souffert… Un conseil, ne prenez pas de tong, j’ai fait cette erreur sur le GR20 (en été) et j’ai eu super froid au pied même en mettant des chaussettes ce qui n’est pas pratique avec des tongs…