mardi 2 octobre 2018

Les Sherpas

Photo Antoine Bousquet  - 90 Kg
Avant de partir j'ai entendu des tas de théories sur les sherpas, toutes négatives.
Des porteurs aux conditions inhumaines exploités par des occidentaux sans scrupules les faisant trimer pour porter des produits et denrées dans les lodges ou hôtels, pour le seul plaisir de trekkeurs et de grimpeurs occidentaux. Des porteurs et des guides sherpas qui risquent leur vie pour quelques dollars pour assouvir les désirs d'un grimpeur inconscient à l'assaut inutile d'un sommet. 
Le sherpa, le symbole de l'exploitation de l'homme par l'homme vu de l'occident, un esclavage résiduel, germinal au 21ème  siècle. Des gens qui ont une espérance de vie raccourcie, ça c'est sans doute vrai, mais pas par des conditions de vie inacceptables (ce sont les plus riches de la vallée). 
Photo Antoine Bousquet
Le pire, c'est que j'ai cru qu'une part de toutes ces émissions que j'ai vues était vraie !
Sur place j'ai pu constater que tout cela est totalement faux. 
Sherpa, c'est un métier, un métier ancestral existant déjà des siècles avant l'arrivée des occidentaux, et en plus, un métier noble !

La vallée du Khumbu, c'est le pays sherpa. Le sherpa, le porteur, c'est par lui, grâce à lui que cette vallée est habitée jusqu'à 4.500m d'altitude. C'est grâce aux Sherpas que les villages survivent et cela depuis des siècles, bien avant que le touriste blanc n'ait eu l'idée d'aller se balader dans cette vallée. Sans eux, pas de vie économique dans la vallée, pas de vie tout court. 
Namche Baazar, la plus grande ville de la vallée, nichée en fer à cheval à flanc de montagne à 3.500m d'altitude, existait bien avant les premières expéditions vers l'Everest. C'est le lieu du plus grand marché de la vallée et la route la plus proche est à 7 jours de marche ! Tout ce qui a été utilisé pour construire cette ville a été monté à dos de sherpas, de yaks, de chevaux. Tout ce qui y est vendu chaque jour au marché est porté par les habitants du pays sherpa, la vallée du Khumbu ! Sur les sentiers, on croise des enfants, des femmes, des jeunes, des vieux, et tous portent !
Photo Antoine Bousquet 
Le plus intéressant, c'est de constater qu'il y a une échelle sociale dans la vallée et être sherpa, c'est le summum, le must, la réussite sociale ! Un sherpa, même débutant, gagne plus qu'un agriculteur ou un tailleur de pierre.
Photo Antoine Bousquet
Chez les Sherpas il y a aussi une échelle sociale. Tout en bas, il y a le porteur des aliments, des denrées quotidiennes pour son village. Le bois, comme sur la photo ci-contre, souvent porté par des adolescents ou des femmes, les récoltes, le pain, les œufs, les bonbonnes de gaz, tout est porté, absolument tout. 
La viande, le riz, les légumes sont souvent portés dans des bidons en plastiques qui sont presque toujours bleus ! 



Photo Antoine Bousquet - Un sherpa en bas de l'échelle des sherpas. En sandales !
Juste au dessus de ce premier niveau, il y a les porteurs de charges lourdes, toujours pour les besoins de la communauté. Les dalles pour la construction des sols, les poutres, les éléments de maison, les fenêtres assemblées dans les basses vallées, les réfrigérateurs même sont portés à dos de sherpa. 
Photo Antoine Bousquet - Namche Baazar 3.500m, un adolescent porte ~60kg de dalles !
Photo Antoine Bousquet - Sherpa en flip flap à 3.000m
Un sherpa qui fournit les lodges et les hôtels, c'est un sherpa qui commence à réussir. Il est payé davantage, il a de l'expérience, une réputation. Avec ses revenus, il peut subvenir aux besoins de sa famille et au delà. Il peut envoyer ses enfants à l'école. Bien sûr, cela signifie aussi qu'il peut porter 80 kg et plus !
Photo Antoine Bousquet - Sherpas portant du riz, de la bière... 
Photo Antoine Bousquet - Le record que j'ai croisé, 100 Kg 
Je vais vous décrire la photo juste au dessus. C'était 100m de dénivelé en dessous de Namche Baazar, soit à 3.400m. Une pente de 500m de dénivelé à 45° après le Hillary Bridge, à la fin d'une grande et belle étape avec des côtes qui s’enchaînent pour finir sur cette montée éprouvante ! Pourtant le paysage est grandiose, c'est même dans cette montée que l'on aperçoit pour la première fois le sommet de l'Everest! Le seul endroit jusqu'au camp de base de l'Everest (5.350m) où j'ai vraiment souffert, craché mes cigarettes des trois derniers mois. La seule fois où j'ai douté de mes capacités ! J'étais essoufflé, deux pas, trois respirations, deux pas, trois respirations... et je sentais une pression derrière moi ! C'était ce jeune homme avec une charge hallucinante, en tong, qui allait... plus vite que moi ! Il m'a dépassé ! Oui oui, le type chargé comme un baudet, alors que je n'avais que mon sac de jour sur le dos, m'a dépassé ! Il avançait très lentement, vraiment très lentement, mais avec un pas régulier (le secret en montagne), s'aidant de sa canne, recherchant les pierres où il n'aurait pas à lever le genou, faisant des tout petits pas, mais il avançait et le pire, sans souffler comme un taureau comme moi ! Un peu plus loin, il s'est quand même arrêté, le bougre, et je l'ai rejoint avec Myke. On a engagé la conversation et à un moment on lui a demandé "how many k g (kee gee)?" "one hundred" !!! 100 Kg ! Et il était fier ! Annoncer sa charge, c'était dire que c'était un vrai sherpa, un de ceux qui ont réussit ! 
Photo Antoine Bousquet
Il y a toute une hiérarchie, mais le sherpa qui a vraiment réussit, c'est celui qui est habilité à porter les sacs des trekkeurs et encore mieux des grimpeurs, des "summiteurs". Il porte moins lourd, moins encombrant comme le montre la photo ci-dessous où à droite vos avez la charge de notre sherpa, avec le sac de Myke et le mien, 40kg (plus ses affaires à lui, 5 Kg) et à gauche la charge d'un sherpa transportant les récoltes. Il n'a pas à faire plusieurs aller et retour par jour, il suit (ou précède) son grimpeur. C'est le boulot de sherpa le plus cool. 
Evidemment, il ne dort pas chez lui tous les soirs, il part pour une, deux, trois semaines, quelques fois plus. Le soir il dort dans le lodge de son grimpeur (sur les bancs de la salle à manger), gratuitement car en échange du gîte le propriétaire du lodge (un sherpa qui a réussit) lui demande de faire le service. Ainsi nous avons été servi par notre guide sherpa pendant tout le périple, tandis que notre sherpa porteur (pléonasme) dormait dans une maison réservée aux sherpas (pour un demi dollar par nuit). 
Photo Antoine Bousquet
Sherpa de grimpeur, le haut de l'échelle sociale ! Je payais 20 $ par jour mon sherpa qui a porté mon sac et celui de mon frère, 40 kg. Une fortune ! J'ai croisé un tailleur de pierre à côté de Lobuche, il gagnait 1$ par pierre et en taillait entre 2 et 4 par jour selon la météo, et il était déjà content parce qu'un cultivateur ne gagne pas autant que lui.
Photo Antoine Bousquet - Mon sherpa
Evidemment, quand on voit cet homme porter 40kg avec sa sangle sur le front on peut trouver cela très dur, voire inhumain. Moi, je me souviendrai toujours qu'à plus de 5.000 m dans la moraine d'un glacier pourri avec des cailloux et des pierres partout cassant les chevilles, avec des baskets de jogger du dimanche, une clope au bec, et 40 kg sur le dos tandis que je n'en avais que 7, il m'a enrhumé avec le courant d'air qu'il a dégagé en me doublant alors qu'à chaque pas je devais prendre une respiration et que c'était dur... Lui, quand il croisait des copains, faisait une pause, discutait, buvait son thermos de thé (officiellement), fumait une cigarette et ensuite traçait jusqu'à la prochaine rencontre en marchant comme si c'était la ballade des douaniers à Dinard, altitude zéro, sans dénivelé. Et le soir, tandis que j'étais carbonisé par l'étape du jour et me couchait dès que possible, lui allait faire la fête avec ses collègues, à boire de l'alcool de riz à 50° jusqu'à point d'heure et le lendemain à 6 h, il était frais comme un gardon ! Bon, un soir il a du faire un excès, le matin on ne l'a pas vu et c'est notre guide qui a tout porté ! 
Tout cela pour dire qu'à 4.000 m, 5.000 m ils sont chez eux, comme nous le serions sur les champs Elysées ou la 5ème avenue. Mon frère, Myke, trouvait qu'ils faisaient cela si facilement qu'il a essayé, convaincu qu'il y arriverait. Myke a un physique de bûcheron québécois et sur 100 m il avait le sourire, après ça s'est gâté. Je n'ai même pas essayé de peur de me bousiller le dos et à ces altitudes, pas d’ostéopathe...
Photo Antoine Bousquet 2017 - Myke Ge, un vrai Sherpa...sur 100m
Et chez les sherpas de grimpeurs, il y a aussi une hiérarchie. Celui qui ne parle pas anglais restera porteur. Tandis que celui qui a franchi toutes les strates du sherpa et qui en plus baragouine quelques mots d'anglais peut devenir guide, le haut de l'échelle, 25$ par jour jusqu'au camp de base plus tip : chaque 3 jours, il faut payer un jour de plus, mais un conseil, ne payez jamais d'avance, le lendemain vous serez seuls. A partir des camps de base, les sherpas et guides que vous aurez trouvé à Lukla ou par agence de trekkeurs ne peuvent pas aller plus loin. Pour faire un sommet, il faut faire appel aux sherpa et guides agréés et là, ce n'est plus le même prix, sans parler du permis de grimper (un autre sujet), ça peut dépasser 100$ par jour plus prime de sommet (fonction du sommet). Là on est dans la catégorie des supers sherpas. Ils ne sont pas nombreux mais sont les rois de leur village. Les plus connus, les plus grands, se sont reconvertis et ce sont eux qui possèdent les maillons du tissus économique de la vallée. Quasiment toutes les compagnies aériennes qui desservent Lukla (l'aéroport le plus dangereux du monde) appartient à des sherpas des sommets, ainsi que les agences de trekking qui ont pignon sur rue à Katmandou, les hôtels et les plus beaux lodges leur appartiennent... ce sont les papes de la vallée et de Thamel à Katmandou. 
Nous avons eu la chance de rencontrer le plus connu d'entre eux, Gambling Norgay, le fils de Tenzing Norgay, le premier homme sur l'Everest en 1953. Car ici tout le monde dit que c'est Tenzing qui est arrivé le premier, à tiré comme un sac de pomme de terre son client Sir Edmund Hillary au sommet le faisant entrer dans la légende de l'Everest. Gambling possède une agence de trekking, plusieurs lodges, et continue à plus de 60 ans à emmener des grimpeurs sur les sommets. Le jour où nous l'avons rencontré, il venait de faire un "petit" 6.000m! Ce fut une soirée mémorable, au Liquid Bar de Namche alors que redescendions pour la civilisation, et suite à laquelle ma vision des sherpas exprimée ici est définitivement différente de celle que j'avais en partant.
Myke et Antoine avec Gambling Norgay à Namche Baazar
Que l'on ne me dise plus jamais que les sherpas sont des pauvres hommes exploités, des bêtes de somme. Les sherpas sont un peuple, avant tout, un peuple des hauts plateaux et des hautes vallées de l’Himalaya. Un peuple fier, dont la particularité est de porter, tout porter, pour vivre. Ils ont une culture bien à eux, surtout dans la vallée du Khumbu, mélangeant bouddhisme et hindouisme et imprégnée des dures conditions de vie et des exigences de ces altitudes et des plus hauts sommets du monde. Un très beau peuple, ma plus belle rencontre dans cette aventure !  Et comme dit toujours Myke, mon frère, les voyages... c'est les rencontres!







vendredi 9 février 2018

Liste des équipements et matériels pour le trek de l'Everest Base Camp


9/02/2018. Mon petit blog d'amateur sans prétention a dépassé ses 10.000 lecteurs en moins d'un an, ce qui me laisse croire qu'il peut être utile aussi je rajoute un article sur ce que l'on doit mettre dans son sac, en espérant qu'il vous aidera à préparer votre trek.
J'ai cherché, consulté un nombre de blog et de forum incroyables et je n'ai jamais trouvé une liste cohérente, précise sur ce que je devais emporter. J'en ai dressé une en utilisant tout les conseils que j'ai lu et surtout en suivant celle de mon frère (qui avait déjà été plusieurs fois dans l'Himalaya en Avril / Mai, et en me fiant à ma propre expérience alpine + GR20.
Mes articles précédents de ce blog étaient le fruit de mes recherches pour constituer cette liste d'équipement, d'habillement et de matériel pour le Trek du Camp de Base de l'Everest, cf mes articles sur les chaussures, sur l'habillement (trois couches)...
Faire une liste efficace et juste est un exercice compliqué car les contraintes sont nombreuses.
Le vol intérieur népalais de Katmandou à Lukla autorise 15 Kg maximum (sac sherpa + sac de jour). J'ai triché en mettant sur moi le matériel lourd (chaussures, appareil photo..) en remplissant mes poches (carte, guide, batterie...). Et c'est passé (j'écris cet article après mon retour).
Les sherpas - théoriquement - ne peuvent pas porter plus de 30 kg (2 sacs de 15 kg/pers) mais le notre s'est vu porter mon sac 13 kg, celui de mon frère 15 kg, celui de notre guide env 10 kg plus le sien... il avait entre 45 et 50 kilos sur le dos et... avançait plus vite que nous ! Et ne croyez pas que c'est scandaleux, lisez mon prochain article sur les Sherpas...
Cette liste est parfaite (ce n'est pas de la prétention). J'ai tout utilisé sauf un T-shirt technique manche longue (on a eu qu'un seul jour de grand froid < -20°) et parallèlement je n'ai manqué de rien.
Juste deux items où j'ai vu un peu large : j'ai pris un peu trop de barres énergétiques, d'autant que l'on en trouve facilement dans tous les Lodges mais elles ont fait le bonheur des enfants que l'on a croisé. Et j'ai vu large sur la trousse de secours sur nos besoins propres (on était deux), mais au retour à Lukla il ne me restait quasiment rien, j'ai soigné plusieurs sherpas dans la descente et donné à mon guide ce qui me restait.
L'économie de la vallée du Khumbu fonctionne aussi avec ce que les grimpeurs donnent à la population locale (vêtements, médicaments...).
Donc voici ma liste réalisée lors de ma préparation, et quand je repartirai (car je vais repartir, c'est une certitude, et idéalement avec mes 3 enfants à qui je veux faire découvrir l'Himalaya, le Khumbu, le plus bel endroit que j'ai vu dans ma vie), je reprendrai sans rien changer cette liste.
Si votre propre expérience permettent de l'améliorer, je suis preneur.

Envoi de cette liste (peut-être difficile à lire sur écran) en format Excel sur demande, avec un grand plaisir de vous être utile.
A noter, cette liste est valable pour un trek fin avril / mai, pas si vous partez en octobre, l'autre saison, où il faut prévoir un peu plus chaud.

Photo Antoine Bousquet - Préparation des sacs à l'hôtel à Katmandou la veille du départ pour Lukla.
Je vois que j'ai oublié les lingettes lavage dans ma liste, sauf si l'eau à 2° ne vous pose pas de problème !

Photo Antoine Bousquet - Pensez à votre Sherpa qui va porter votre sac ! Ne le surchargez pas !
Photo Antoine Bousquet - Mon frère Myke a essayé de porter la charge du Sherpa ! Sur 50m pas de souci, mais pas sûr qu'il aurait tenu l'étape de la journée ! Perso, je n'ai même pas essayé, je n'avais pas envie de me tordre le cou à mi chemin ! 
Photo Myke Ge Lukla Népal - dernier conseil, être capable de porter seul son barda :)