lundi 10 avril 2017

Khumbu Icefall - Popcorn Field

Glacier de Khumbu vu à ~5.400m
Photo Antoine Bousquet - Glacier de Khumbu
Mon principal objectif, le truc à voir, le glacier de Khumbu avec son « Popcorn Field », son « Football Field », et sa célébrissime cascade de glace : Khumbu Icefall. Le graal, la Mecque pour ceux qui aiment les glaciers, reléguant le glacier des Bossons à une vulgaire langue de glace et la mer de glace à une cour de récréation.


Le glacier de Khumbu canalisé dans sa moraine. Environ 5.000m
Photo Antoine Bousquet
Le glacier de Khumbu ne fait que 12 km de long, il est "tout petit" par rapport au glacier de Siachen dans le Karakoram, entre l’inde et le Pakistan, qui fait 72 km de long, ou de celui du Gantori où le Gange prend sa source et qui fait 32 km de long, et plutôt grand par rapport à la mer de glace (7km). Mais il est un des plus épais (700m) et le plus haut glacier du monde.  Il prend sa source dans la combe au pied du col sud à 7.600m d’altitude et s’étend jusqu’à Dughla (4.600m) mais bien souvent il s’arrête à Lobuche (4.910 m) voire à Gorak Shep (5.140m) car, comme tous les glaciers du monde, il recule.  
La langue du glacier de Khumbu au pied de l'Everest
Photo Antoine Bousquet
J’étais sur la mer de glace en octobre dernier et c’est flagrant, incomparable avec la mer de glace que j’ai connu dans les années 80, en 30 ans on voit très clairement ce recul. Il faut désormais monter à 5.000 m pour mettre les pieds sur celui du Khumbu ! Dépéchez-vous d’y aller, l’année prochaine il faudra monter encore plus haut… Quel désastre, surtout quand on sait que les glaciers renferment 70% des eaux douces de la planète. Dans l’Himalaya ils sont vitaux, ils alimentent les vallées et les cultures en eau, et leur nombre (15.000) et superficie sont tels qu’ils ont un impact direct sur le climat en rafraîchissant les vallées l’été tandis que dans certaines zones les conditions climatiques sont les mêmes que celles des régions polaires. Le Groupe intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC) a rendu un rapport disant que la fonte des glaciers de l’Himalaya et du Karakorum sera l’une des conséquences les plus graves du réchauffement climatique, notamment parce qu’ils alimentent en eau le Gange, l’Indus et le Brahmapoutre et fournissent ainsi en eau potable…40% de la population mondiale ! Le GIEC précise aussi que si ce réchauffement continue sur le même rythme, dans 25 ans ces glaciers pourraient ne plus recouvrir que 20% de la surface qu’ils ont aujourd’hui. Imaginez les flux migratoires que le manque d’eau pourrait entraîner…500 millions de personnes sont directement et immédiatement concernés. La migration des quelques millions de syriens suite à la guerre a causé bien des perturbations en Asie mineure et en Europe mais ne sera bientôt qu'une rigolade au regard de ce qui nous attend ! 


Moraine du glacier de Khumbu
Photo Antoine Bousquet
Après 5.100m on quitte le domaine de la ballade sur sentier ! On attaque la moraine du glacier, ses lèvres. Un gros tas de cailloux sombres charriés par le glacier. 

Photo Antoine Bousquet
Un peu plus haut, le glacier est encaissé dans sa moraine. Sous les très grands écarts thermiques entre la nuit et le jour (plus de 50° d’amplitude possible), la roche éclate et se retrouve charriée par le glacier qui avance sans cesse tel un buldozer. Selon les endroits, le glacier de Khumbu avance de 30 cm par jour à 1m par jour (Khumbu Icefall) déversant ces amas rocheux devant lui, sous lui, sur ses côtés, les moraines, et de temps en temps un corps tombé dans une crevasse ressurgit aussi !
Du début du glacier jusqu'au pied de la cascade de glace la pente est très modérée aussi la glace est recouverte de ces amas de roches. Un peu comme le bas de la mer de glace en dessous des Drus qui continuent à dégueuler des cailloux à longueur de temps. Il est loin le temps ou Frison Roche grimpait les Drus, aujourd'hui faut être un fêlé pour s'y aventurer.
Cette couche de rochers noirs, sombres au dessus de la blancheur de la glace créé un contraste magnifique, soulignant le drapé de la glace, ses vagues... C'est beau ! Très beau ! Enfin c'est mon avis, cela fait partit de ce que j'ai vu de plus beau, mais les goûts et les couleurs... pour ma chère et tendre, c'est très laid, elle préfère les lignes de coquillages sur le sable des plages de Dinard à marée basse devant lesquelles elle peut s'émerveiller très longtemps, au point qu'elle a accroché un tableau les représentant au mur du salon. Tiens, ça me fait penser que je dois lui proposer de mettre une photo des vagues du khumbu de roches noires et de glaces blanches et bleues à côté !

Glacier de Khumbu entre 5.400m et 5.600m
Photo Antoine Bousquet, le glacier de Khumbu entre le camp de base et la cascade, un champs de pop corn !
Au-delà du camp de base, le glacier prend de la pente, les amas de roche qui le recouvrait jusque là ont disparus, il croise celui de Changri en laissant une moraine médiane, puis monte vers l’ouest à travers Popcorn Field, Football  Field, sa cascade de glace avant de s’aplatir un peu au niveau du camp de base N°1. 

La cascade de glace de Khumbu commence à 5.484m d’altitude, juste au-dessus du camp de base de l’Everest et est due à une rupture de pente dans le glacier. C’est un passage qui est considéré comme l’un des plus dangereux de l’ascension de l’Everest par le Sud (Népal), au même titre que l’Hillary Step. 

Le glacier de Khumbu se déplace vite et fait 700m d’épaisseur (plus du double de la mer de glace). Il est constitué de crevasses étroites mais très profondes (plus de 500m pour certaines) et d’un enchevêtrement de séracs, de gros blocs de glaces gros comme des voitures, voire des maisons, qui lui donne l’apparence d’un champ de popcorn, Popcorn Field. Ces séracs sont réputés pour basculer, se retourner, tomber de temps en temps faisant de la traversée de ce glacier un jeu de roulette russe si on s’y aventure aux heures où le soleil cogne ou en période de dégel.  Sa traversée se tente le matin très tôt, avant le lever du soleil, quand le froid soude encore ces énormes blocs de glace, que les crevasses ne sont pas encore ouvertes ou quand les ponts de neige sont encore solides…
Mais le grimpeur alpin qui s'aventure sur le couloir de la mort de la voie royale du Mont-Blanc au pied de l'aiguille du goûter connaît bien le sujet, il faut passer quand c'est gelé pour éviter de se prendre des cailloux (dans le meilleur des cas) ou des pierres sur le crâne. Vous savez, ce petit passage à la con de 80 mètres seulement qui est un des plus gros danger de l'ascension du Mt-Blanc !
6.000m
Antoine Bousquet - photo prise par mon guide
Ici, ce sont des blocs de glace gros comme le refuge de Tête Rousse. Ici, ce type de passage (et j'en ai traversé plusieurs) est équipé d'une passerelle façon cordillère des Andes. Mais ici surtout il y a une grande différence tout de même avec le Mont-Blanc, nous sommes entre 5700 m et 6.000 m et... il n'y a plus de touristes ! Celui qui s'est aventuré sur la piste du camp de base de l'Everest en tee-shirt en coton, en short à poches, avec des chaussures de randonnée de la marque au logo bleu et blanc,que je ne critiquerai pas, mes deux fils y travaillent en job d'étudiant (dont un au rayon montagne, ça ne s'improvise pas) et je viens de découvrir qu'une amie que j'ai perdu de vue depuis presque 30 ans y a un super job... ont fait demi-tour depuis longtemps. D'ailleurs, au sujet de l'équipement, je vous recommande mon article sur le sujet, et vous constaterez que j'ai emporté des produits de la marque de ce fameux magasin au logo bleu et blanc (qui commence par D) mais ce n'était pas les chaussures, ni le sac à dos, ni le sac de couchage, ni la couche de protection (la fameuse 3ème couche),... Par contre, et ça va en faire rire certains, j'ai acheté mes crampons sur leur site internet (efficaces, pas chers, juste un peu lourd et à 6.000 m chaque gramme gagné est un challenge, c'est tout juste si on ne coupe pas sa brosse à dents en deux pour en gagner 3.

A propos d'équipement, j'insiste lourdement sur ce sujet (pas pour rien que j'en ai fait un article), car comme je dis toujours, la moitié de l'aventure se joue avant même de prendre d'avion ! Mes deux fils, vendeurs en extra chez Decath (oups, je l'ai dit), sont partis faire un trek de folie en Islande en juillet dernier, 300 Km au milieu des volcans et des glaciers (donc c'est en lien avec cet article), sans filet, sans connexion, sans routes ni villages, seuls au milieu nulle part. Un peu comme au Népal passé 5.000 m, plus d'hélico, plus de réseau, comme un acteur de théâtre versus un acteur de cinéma qui si il foire peut faire une seconde prise, en montagne ou sport extrême, pas de seconde chance !
Je précise, 19 et 22 ans, mes bébés.
Et ça ne s'est pas passé comme prévu ! Ce qui est un pléonasme avec la notion d'aventure extrême. Plus de batterie, plus de tél, plus de Gps, plus rien. Un temps pourri, 5° le jour, pluie non stop. Les délais multipliés par 2, si bien qu'au bout d'un moment, plus de bouffe ! Ils ont fini par se partager 100g de riz par jour, à peine cuit, ils économisaient la dernière cartouche de gaz ! Leur mère (mon ex femme) a paniqué, mois moins, j'ai déjà connu ça mais bon, je dois vous dire que le jour où ils m'ont appelé après 12 jours sans signe de vie alors que l'on avait convenu un sms tous les jours, j'ai mieux dormi. Ils avaient perdus 6 kg, mais ils ont vécu la plus belle aventure de leur vie, vu des paysages uniques au monde, vécu une histoire fraternelle unique (comme moi avec Myke), et ça s'est bien terminé car... ils avaient un équipement adapté, le secret pour réussir son aventure !
Et là, je suis assez fier de mes conseils, et c'est justement l'objectif de ce blog. J'ai prêté mon équipement, mais ils étaient deux ! J'ai complété, acheté (sans compter) ! Une tente pour 3 alors qu'ils étaient 2 (faut de la place pour les sacs, que diable), 2,2 kg la tente, 380 euros, même prix que les pompes! Certes chez D ils ont la même 50% moins cher, mais 4,5 Kg !!! Moi je vais à plus de 5.000 m mais c'est un sherpa qui porte, eux, ils partaient 1 mois, sans sherpa, tout sur leur dos, repas inclus! Chaque kilo a son prix, même si ils ont moins de la moitié de mon âge. Cf la photo de la super tente ultra légère. Sur les photos, vous reconnaîtrez mon pantalon rouge de l'Everest porté par mon fils Hugues. il devait faire froid en Islande, ce pantalon je l'ai mis qu'au dessus de 5.000 m tellement il tient chaud (3 couches) ! Geoffroy, mon second, lui a fait le choix d'un équipement 100% Decathlon, il est "corpo", il défend la marque pour laquelle il travaille! Quechua a parfaitement fait le job ! Mais il n'était pas à 6.000m, et je ne suis pas certain qu'il soit réutilisable ! Je n'ai vu personne avec du Quechua au camp de base de l'Everest (moi j'avais les dessous en laine mérinos, tip top) ! Bon ça peut aussi s'expliquer par le fait que grimper l'Everest nécessite un budget de 50 à 60.000 $ (Millet, Astérix, Mamuth, North Face... y sont sur représentés), et que je n'ai pas croisé un seul français (mais 2 belges et 1 suisse). Fin de la parenthèse (mais je suis fier de mes fils), retour au Khumbu.

L'ensemble du glacier est équipé par les sherpas d'échelles qui permettent la traversée des crevasses. Certaines sont verticales pour faciliter l'ascension des plus gros blocs. La traversée de ces échelles, en crampons, chargés, avec quelques fois plus de 500m de vide sous les pieds, est réputée difficile, impressionnante, et technique.


Le camp 1 se trouve juste après la cascade de glace à 5.943 m d’altitude, à 2,4 km du camp de base et il faut environ 4 ou 5 heures pour s’y rendre mais la traversée de Popcorn Field et de la cascade de glace peut aussi prendre plus de 12 heures si les conditions ne sont pas optimum et dans ce cas vous risquez d’y être encore au milieu de l’après-midi, le pire moment. Partez tôt du camp de base, très tôt, à la frontale… On part bien à 3 heures du matin du Refuge du Goûter pour tenter le Mont-Blanc ! 
Ces popcorns, ces séracs énormes, ces blocs sont instables et le principal danger, faisant des 300 m de dénivelé précédant le camp de base N°1 la partie la plus dangereuse de l’ascension de l’Everest. 

Le 18 avril 2014 un énorme bloc de glace s’est détaché du glacier et a enseveli un groupe de 25 alpinistes. 16 sherpas et guides qui y ont trouvé la mort dont trois n’ont jamais été retrouvés, leur corps étant recouvert d’une couche de 50 à 80 mètres de glace et de neige. 
Mais, Le Khumbu est l'un des plus beaux glacier du monde... 
Antoine Bousquet - Photo prise par mon Guide. Vue sur le Lhotse et la cascade de glace du Humbu
PS : je vous recommande de taper "khumbu icefall" sur Youtube, il y a des vidéos de traversée des échelles absolument superbes.
Levé du soleil derrière l'Everest
Photo Antoine Bousquet - levé du soleil derrière l'Everest. 
Le glacier de Khumbu au pied de la cascade de glace
Photo Antoine Bousquet. Le Glacier de Khumbu au pied de la cascade de gmace




lundi 13 mars 2017

Les difficultés techniques sur l'Everest

Photo : Antoine Bousquet - PD+ ou AD- (mon avis)
Le trek du camp de base se positionne en class 1 avec des passages en class 2 (Yosemite decimal system), c’est à dire en F avec quelques passages PD- dans le système Alpin.

L’ascension du Kalapatar (5.600m) se positionne en class 2 principalement du fait de l’altitude et de quelques passages d’escalade au niveau du sommet où on peut s’aider des mains, soit du PD.

Au-delà du camp de base N° 2, sur la face du Lhote vers 6.800m/7.000m et vers le Sommet Sud il y aura quelques passages en class 3 (PD+ / AD-) avec la nécessité de grimper en s’aidant des mains, en étant assuré…

Et évidemment, le glacier de Khumbu, popcorn field, une des portions de l’ascension la plus redoutée des grimpeurs, est noté en class 4 (D+) à cause de ses terribles échelles suspendues et de son passage vertical en fin de glacier. Cette portion nécessite un assurage correct, l’usage des pieds et des mains, de connaître les techniques de contre-force et d’assurage et de ne pas avoir peur d’une crevasse de…. 500m de profondeur, un demi kilomètre.  Mais à part quelques passages un peu chauds, l’essentiel du glacier correspond à une classe 2 ou 3.
D’autres passages au sommet sont en class 4 : l’illustre « Hillary Step », the « Southeast Ridge », une partie de la face du Lhotse avant le camp N°4, et la « corniche traverse ».

Pas de class 5 sur l’Everest !
Décevant ! Même du fait de l’altitude. La plus grosse difficulté est une class 4 avec l’Hilary Step (entre D+ et TD-) !

LES SYSTEMES DE CLASSIFICATION DES DIFFICULTES TECHNIQUES :

En alpinisme, les itinéraires font l’objet d’une cote qui détermine le niveau de difficultés. Le hic c’est qu’il existe plusieurs systèmes de cotation. Il y  a l’échelle à 6 niveaux dite alpine (The European Climbing Scale), l’échelle à 5 niveaux dite d’Alaska « The Alaskan Climbing Scale » ou encore la Classification selon le Yosemite Decimal System,  initialement conçu pour l’alpinisme sur roche et tant d’autres selon que l’on est sur cascade de glace, roche…

Moi, j'utilise la cotation globale « alpine », celle que l’on utilise dans le massif du Mont-Blanc.
La cotation est réalisée en tenant compte de plusieurs critères :
L’approche (longueur, diifficulté)
Descente, difficile ou pas, longue, pierrier…
La qualité des relais (emplacement, écart…)
La qualité de la roche de la neige ou de la glace
La longueur des sections les plus dures
L’exposition des pentes
L’engagement physique nécessaire
La possibilité ou pas de battre en retraite
L’Altitude
C’est la difficulté maximale de l’itinéraire qui détermine la classification.
Et tout cela en conditions  météorologiques standards, normales, aussi en cas de mauvaises conditions, il faut dégrader la cotation.

F            Facile, Fastoche…  
PD         Peu Difficile.
AD        Assez Difficile.
D           Difficile.
TD         Très Difficile
ED         Extrêmement Difficile
Et il y a un 7ème niveau, ABO ou EX, abominablement ou Exceptionnellement difficile, comme le Méru dans l’Himalaya ou quelques rares endroits ailleurs.

On ajoute  un + ou un – pour souligner la tendance… Une cotation PD+ tendra vers de l’AD…

Ne pas oublier qu’en anglais les lettres ne sont pas les mêmes et que certains guides les remplacent par une échelle de I à VI :
I:    Easy
II:   Not Difficult
III:  Moderately Difficult
IV:   Difficult
V:    Very Difficult
VI:   Extremely Difficult

A cette classification s’ajoute la classification liée à la glace, au rocher ou à l’ascension mixte si il y a les deux. Pour la roche, la notation va de 3 (facile) à 9 (Très difficile), elle-même complétée des lettres a, b et c qui indiquent le niveau technique du passage le plus difficile ou la durée de l’engagement à fournir.  

F     Pas ou peu d’escalade, quelques passages pentus mais sans grandes difficultés
PD  Escalade dans le 3, passages pentus ~50/60° mais bonne possibilité d’assurage
AD  Escalade dans le 4, passages pentus, avec des portions raides, avec de bonnes possibilités d’assurage et de repos (emplacements peu exposés) 4c = AD+
D Escalade en 5a (D-)-5b, 5c (D+) de belles parois assez longues en 75/85° nécessitant une bonne technique.
TD Escalade en  6a (TD-), 6b (TD), 6c (TD+) pentes raides 75/85° avec portions verticales
ED Escalade en 7a (ED-),7b (TD), 7c (ED+) très raide, qualité de la roche ou de la glace rendant l’assurage aléatoire, haut niveau technique demandé…
ABO ou EX Escalade en 8 et 9, réservé à l’Elite de l’alpinisme mondial.

Un niveau 3 en rocher donne une note globale de PD mais en mixte celle-ci est dégradée à AD+.
 
Photo Antoine Bousquet : du super F sur le GR20 en sept 2016
F / Facile / Easy :
L’itinéraire est bien marqué et ne présente pas de pente raide, de paroi. C’est par exemple, la remontée d’un glacier facile sans crevasses, d’un éboulis, d’une courte arête… Marche encordé possible mais sans nécessité d’assurer la cordée. Pas de difficultés techniques même si quelques passages nécessitent du matériel d’alpinisme (crampons, cordes…). Techniques de base nécessaire (le classement n’est pas pour les touristes mais pour les alpinistes aussi il part du principe que les techniques élémentaires son connues).
Difficultés de roche inférieures à 3

Photo Antoine Bousquet : Toujours du F sur le GR 20 (mouillé, donc dangereux quand même)
PD /peu difficile / ND : Not Difficult
Un peu plus difficile, glacier avec quelques crevasses, longue arrête rocheuse, quelques passage d’escalade avec les mains, pentes modérées entre 35 et 45°, quelques courts passages un peu raides (40/45°), un court rappel en descente possible… matériel d’alpinisme requis (piolet…)
Exemple : l'aiguille du goûter... 
Photo Antoine Bousquet : du PD sur le glacier des Grands Montets
AD / assez difficile / MD : Moderately Difficult
Itinéraire plus difficile à repérer, nécessité de tirer des longueurs pour s’assurer, la pente est un peu soutenue (50°) avec des passages un peu plus raides. L’assurage de la cordée est nécessaire et nécessite la connaissance de plusieurs techniques. Descente en rappel possible… Certains passages peuvent être vertigineux.
En roche on sera sur de la difficulté 4.
Photo Antoine Bousquet : AD, Les Cosmiques

D / difficile / Difficult
Pente raide (50/60°), on est encordé (bien sûr) et on doit connaître les techniques d’assurage. Escalade dans des couloirs un peu chauds… Difficultés en roche de 4 soutenues ou de 5. Nécessité de tirer sans cesse des longueurs de corde. Pentes de neige ou de glace raides, glaciers crevassés avec des rimayes larges…
Touristes non entraînés, non formés, s’abstenir.
 
Photo Antoine Bousquet : D+, Face nord de l'Aiguille du Midi
TD / très difficile / VD : very difficult
Courses avec des difficultés techniques importantes, parois verticales, ou raides soutenues (65/80°). Difficultés en roche de 6, plus pour moi… j'ai plus de photo...
Jimmy Chin, le réalisateur de Meru (2015), le plus beau film de montagne que j'ai jamais vu...
Regardez ce film, il m'en voudra moins de lui avoir emprunté une photo, mais aussi vous verrez ce que vous ne ferez jamais... 
ED et EDx /extrêmement difficile étendu / Extremely Difficult
Courses engagées, paroi verticales, roche dans le 6 ou le 7…
Pas pour moi non plus, sinon il y a longtemps que j’aurai tenté les Grandes Jorasses…
A noter que le niveau ED est décomposé par les anglo-saxons en ED1, ED2, ED3 ce qui donne une échelle ouverte des difficultés.
Jimmy Chin,.... de l'abominablement difficile... 
Et puisque le l’on parle des anglo-saxons, parlons du Alaskan Climbing Scale ou du système décimal Yosemite (le YDS) qui ne compte que 5 classes générales :

Class 1 : Tu peux grimper avec des roues même si un saut de rocher n’est pas exclus.
Class 2 :  Tu peux grimper sans les mains même si quelques fois elles peuvent être utiles
Class 3 : Tu peux grimper comme un enfant en t’aidant de tes mains.
Class 4 : Là, les choses sérieuses commencent,  cordes, contre-forces, escalade réelle et engagée…
Class 5 : C’est plus pour moi, la corde cède, t’es mort. Technique parfaite nécessaire…
Meru

Compliqué toutes ces classifications. On peut les résumer en : 
Classe 1 : tu tombes, tu passes pour un con…
Classe 2 : tu tombes, tu te casses le poignet ou un bras
Classe 3 : tu tombes, tu te casses une jambe
Classe 4 : tu tombes, tu te casses un bras, une jambe, le crâne. Tu n’es pas encore mort… mais ça ne va pas tarder…
Classe 5 : tu tombes, tu es mort !

Mais rassurez-vous… la chute n’est pas la 1ère cause de mortalité sur l’Everest (cf mon article sur la mortalité).

La bande annonce de Meru : https://www.youtube.com/watch?v=YvS6O9lVkkg

Le site officiel du film : http://www.merufilm.com
Là, vous ne verrez que du ABO ou EX... 





Meru = ABO / EX

mercredi 8 mars 2017

La fréquentation et la mortalité sur l'EVEREST


Pas mal de monde autour de moi s’inquiète de cette expédition sur les pentes de l’Everest et j’entends tout et n’importe quoi sur le nombre de morts, les causes d’accidents ou de décès, aussi une petite recherche pour savoir de quoi on parle s’imposait et pour rassurer tout le monde (et surtout ma chérie…).
D’abord, avant de parler de mortalité, parlons de fréquentation. Un pourcentage s’il n’est pas rapporté à un nombre ne veut pas dire grand-chose.

La fréquentation de l’Everest

Difficile de trouver des chiffres récents sur le nombre d’alpinistes qui ont gravi l’Everest. On y arrive à travers les statistiques sur le taux de réussite de l’ascension qui sont publiés par «l’ himalayan database » (que je recommande pour les fous de chiffres).

En 2012 : depuis les premières expéditions des années 50, 19.121 personnes avaient séjourné au camp de base pour se lancer à l’assaut du toit du monde, 6.206 alpinistes ont atteint le sommet (dont environ 300 femmes), soit un taux de réussite de 32%. Les 2/3 des alpinistes ayant tenté l’Everest ont échoué. Certains y sont mort…

L’ascension de l’Everest a connu trois phases :

De 1950 à 1970 avec la période des grandes expéditions. Hitler avait envoyé plusieurs expéditions pour vaincre le toit du Monde et servir sa propagande mais toutes ont échouées. Il faut attendre 1950 à 1953 pour que plusieurs grandes expéditions de plusieurs centaines de personnes avec des tonnes de matériel et de vivre s’attaquent à l’Everest jusqu’à la 1ère du 29 mai 1953 de Edmund Hillary et Tensing Norgay.

Mon frère et moi avons eu l'extraordinaire privilège de rencontrer à Namche Bazaar au "Liquid Bar" Jamling Tensing Norgay, le fils du 1er homme ayant gravit l'Everest. Il revenait tout juste d'une ascension de l'Island Peak (un 6.000) et venait assister comme nous à la diffusion du film "Sherpa" qui racontait l'avalanche de 2014 et la grève des sherpas qui s'en est suivie. Myke, mon frère, était au camp de base de l'Everest lors de cette situation inédite où les expéditions ont été annulées. 
Photo Antoine Bousquet & Myke Ge - Mai 2017
De 1953 à 1970, le nombre d’alpinistes à tenter le sommet est très faible, quelques cordées seulement et très peu atteignent le sommet.

De 1970 à 1990 ce fut une période de transition avec une augmentation des expéditions, quelques dizaines chaque année. La première expédition française, dirigée par Pierre Mazeaud, atteint le sommet le 15 octobre 1978, je m’en souviens, ça avait fait grand bruit à l’époque. La première française atteindra le sommet le 5 octobre 1990, c’est Christine Janin avec qui j’ai eu la chance, le privilège de dîner un soir à côté d’elle, un dîner avec Catherine Chabaud, Christine Ockrent et Bernard Kouchner, la veille du départ de la route du rhum en 1998, 15 jours après la naissance de mon fils Geoffroy, quelle femme extraordinaire, pas bien grande, mais quel dynamisme, quelle passion dans ses yeux…  On ne croise pas tous les jours des personnes aussi particulières, puissantes, exceptionnelles… J’ai encore l’impression que c’était hier ! On peut voir la photo de Christine Janin au sommet de l'aiguille du Midi parmi celles des plus grands alpinistes du monde... 

De 1950 à 1989 2.560 alpinistes ont tenté le sommet, seulement 219 ont réussi, soit 8,55% de réussite.
Ce taux de réussite n’a cessé de progresser au fil des années grâce aux progrès techniques, à l’équipement des voies, à l’organisation des expéditions…  Pour la seule année  1990 il est passé à 18% de succès avec 72 alpinistes au sommet sur les 400 qui ont tenté leur chance.

Et enfin, à partir de 1990 l’exploitation touristique du sommet avec chaque année des centaines d’alpinistes qui se lancent à l’assaut de l’Everest. L’Everest est devenu un business, faisant même de Lukla le 2ème aéroport du Népal par la fréquentation. Voir mon article sur Lukla, un des aéroports les plus dangereux du monde…
Un business qui fut la cause de compétitions malsaines (sujet repris dans le film « Everest ») entre les agences d’alpinisme, de pollution du fait des tonnes de matériels et d’ordures abandonnées dans les camps de base, d’accidents et de  décès causés par un manque de préparation des alpinistes amateurs en quête d’exploits…
Everest Base Camp Mai 2017 -  Antoine Bousquet and Myke Ge (my brother)
De 1990 à 2009, 5.742 alpinistes ont tenté le sommet, 2.222 ont réussi soit un taux de réussite de 38,7%
A la fin des années 2000, début des années 2010 l’Everest a connu une période folle et totalement excessive. Ce fut le temps du plus jeune au sommet (2010, 13 ans), du plus vieux (80 ans), de la descente en surf de ses pentes, de son ascension en courant (16 heures), et surtout de files d’attente interminables au sommet causant de graves accidents. Une folie ! Quand on voit la photo (mai 2012, camp de base N°4), de la file d’attente au départ du camp de base d’attaque (8.000m) on n’a vraiment pas envie de s’y mêler et de retrouver l’ambiance des quais de Seine depuis que la dictateure (pardon, la maire) de Paris a fermé les voies sur berge.  

En mai 2018, pendant que j'étais là bas, un népalais de 85 ans, Min Bahadur Sherchan, a essayé de battre le record du plus vieil homme au sommet. il n'a pas dépassé le camp de base où il est mort, et de ce fait n’intégrera pas les statistiques des morts de l'Everest qui ne comptabilisent que les victimes au delà du camp de base. Un Néo zélandais de 49 ans est mort d'une embolie cérébrale a quelques centaines de mètres de Lobuche (4.900m), il était seul, rejoignait le camp de base où il devait retrouver son expédition, ce qui souligne une fois de plus qu'il ne faut jamais partir seul dans ce genre de périple même si on est super entraîné. 
Au même moment, Kilian Jornet, l'ultraterrestre, battait un nouveau record hallucinant en gravissant deux fois le sommet de l'Everest dans la même semaine, sans oxygène, à l'ancienne (en style alpin, sans se servir des cordes posées). 
2018 fut une saison meurtrière avec plus d'une dizaine de morts, dont Ueli Steck, un des meilleurs alpinistes suisse, tombé (1.000 m de chute) sur le Nuptse vers 6.000m lors d'une course acclimatation. Le 24 mai, quatre corps furent découverts morts de froid dans une tente à côté du camp IV (vers 7.900m). Le médecin américain Roland Yearwood et Vladimir Strba trouvèrent la mort dans la zone de mort, au dessus de 8.000m. L'alpiniste indien de 27 ans Ravi Kumar est mort en redescendant du sommet... A tous ces morts au dessus du camp de base, il faut ajouter les décès intervenus avant le camp de base et là, il n'y a pas de chiffres, pas d'articles dans les journaux, les morts sur l'aéroport de Lukla, le plus dangereux du monde (voir mon article) où quelques jours après notre départ un avion s'est encore craché, deux morts! Certaines années l'aéroport de Lukla tue plus que l'Everest !

Pour la seule année 2012, 547 alpinistes ont atteint le sommet, sur 976 qui se sont élancés du camp de base, soit 56% de réussite.  L’Everest est devenu un boulevard où toutes les cordées se lancent en même temps à l’attaque du sommet créant une file indienne interminable après le camp de base N°4 du col sud.
Il existe deux fenêtres de tir de quelques jours chacune pour se rendre au sommet, l’une fin mai, l’autre en octobre, aussi durant ces quelques semaines, c’est l’embouteillage dans les camps de base et dans les couloirs, une des cause de bon nombre d’accidents. Dans les années 90 environ 60 à 120 personnes atteignait le sommet chaque jour dans ces fenêtre de tir de quelques jours, en 2011 / 2012 c’était plus du double.

Depuis ces excès, l’état népalais essaye de contrôler  l’affluence sur les pentes de l’Everest pour éviter cette surpopulation. Il a aussi lancé plusieurs campagnes pour évacuer les ordures, déchets, matériels abandonnés qui borde le tracé. Il a très considérablement augmenté les permis de trekker et le permis d’ascension de l’Everest, ce dernier étant désormais de 18.000 $. Le coût de l’ascension de l’Everest pour un alpiniste est désormais autour de  70.000 $, 40% plus cher qu’il y a 10 ans. Ça peut en refroidir certains. En 2018 l'état Népalais a limité à 300 le nombre de permis de grimper l'Everest. 

En mai 2012, le 100ème français depuis l’ascension de Pierre Mazeaud en 1978, a atteint le sommet.

Donc, dernier chiffre connu, environ 1.000 alpinistes transitent par les camps de base chaque année et 50 à 60% atteignent le sommet.

La Mortalité sur l’Everest

Evidemment, ce n’est pas le mont Cassel dans les Flandres ou le géant de Provence, le Mont Ventoux, ni même le Mont-Blanc, c’est l’Everest ! Un des plus beaux endroits du monde mais aussi un des plus dangereux.  A son sommet, vous êtes à l’altitude d’un jet commercial. La prochaine fois que vous prenez l’avion, amusez-vous à regarder la température en fonction de l’altitude sur les télévisions de bord et vous comprendrez vite les difficultés auxquelles sont confrontés les alpinistes. Bon nombre d’entre eux y ont laissé la vie, et certains – plus chanceux – seulement un ou plusieurs orteils, ou un nez et quelques doigts si on retient l’aventure de Beck Weathers, un miraculé, « Laissé pour mort à l’Everest » racontée dans le film « Everest ».
Puisque l'on parle lecture, je vous recommande aussi le roman "100.000 dollars pour l'Everest", d'Yves Ballu qui a lu ce blog et m'a contacté ensuite, un honneur ! Il est pour ma génération ce que Frison Roche a été pour celle de mes parents. 

L’altitude est la première variante du taux de mortalité. Plus on monte, plus le taux de mortalité augmente, c’est logique car plus on monte, plus le MAM fait des dégâts, plus il fait froid… Il redescend après 8.500m car on y reste pas longtemps et comme il fait très froid, il y a moins d’avalanches (1ère cause de mortalité) et de chute de pierres ou de séracs.
Tableau ci-dessous décrivant les taux de mortalité selon l’altitude pour tous les sommets de l’Himalaya (et seulement l’Himalaya, pas l’Annapurna). En bleu les alpinistes occidentaux, en rouge les sherpas.

Il est difficile d’avoir des chiffres exacts pour le seul Everest. Le chiffre qui revient le plus souvent sur les sites sérieux est que de 1953 à Août 2015, 282 personnes sont mortes sur les pentes de l’Everest (dont 169 alpinistes occidentaux et 113 sherpas). Ca ne comprend pas toutes les cordées d’Hitler et les autres qui ont tenté l’aventure avant. Ces chiffres ne comprennent pas les morts au camp de base et en dessous, seulement celles intervenues dans l’ascension finale. Sur ces 282 morts, 102 étaient des alpinistes tentant de grimper le sommet sans bouteilles d’oxygène, occasionnant des troubles de conscience entrainant des chutes.
La plupart des cadavres au-delà du camp N°IV sont toujours dans la neige. Le tracé final pour le sommet est bordé de nombreux cadavres, certains servent même de points de repère aux alpinistes. Voir en fin d’article, si vous avez le cœur bien accroché, les images sont choc !
Sur la seule période 1950-2009, l’Everest a connu 210 morts dont 139 alpinistes occidentaux et 71 sherpas. Ce qui fait un taux de mortalité de 1,52% chez les alpinistes et de 0,97% chez les sherpas. 
Avec 1,52% de mortalité, l’Everest est en dessous de la moyenne des sommets de l’Himalaya (1,55%).
Le sommet le plus meurtrier du Népal est le K2 (qui n’est pas dans ces statistiques car en dehors de l’Himalaya) dont le taux de mortalité était de 29% depuis la première (chiffre de 2013 : 89 morts, 306 alpinistes arrivés au sommet).

Les principales causes de décès :

Sur l’ensemble des sommets himalayens, et au-dessus des camps de base, la 1ère cause de décès chez les alpinistes occidentaux (608 morts entre 1950 et 2009) est la chute (39% des décès), suivi par les avalanches (28,8% des décès) puis par le mal des montagnes (7,6% directement, mais celui-ci est très souvent à l’origine d’une autre cause de décès en provocant, par exemple, une chute). Voir mon article sur le MAM, mal aigu des montagnes. Les crevasse ne représentent que 2,5% des accidents mortels. 
Cet autre graphe particulièrement intéressant de l’Himalayan Database détaille les principales causes de décès dans le massif de l’Himalaya en fonction de l’altitude.
On y constate 22% des alpinistes occidentaux sont morts en dessous de l’altitude du camp de base (5.350m) de l’Everest, essentiellement du fait des avalanches et des « autres causes » mais en fait le mal des montagnes est souvent à l’origine de la cause flagrante du décès. Mon Frère Myke a publié aujourd’hui (7 mars 2017) un article sur la mort d’un alpiniste australien à Lobuche (4.910m), mort d’épuisement du fait du MAM.
Au-delà de 5.500m, en très haute montagne, les chutes deviennent une des principales causes de décès.

Sur un autre graphique, on peut constater que 3,1% des décès des alpinistes occidentaux interviennent en moyenne montagne lors du trek du camp de base (15,6% pour les sherpas !!!), et que le gros des décès, 44,4%, interviennent dans la marche d’approche vers le camp de base d’attaque. 
Les causes de ces 44,4% de décès liés aux étapes entre le camp de base et le camp d’attaque sont principalement dues, pour moitié, aux avalanches, qui sontle risque N°1 entre 4.000m et 7.000m d’altitude.
 Dans le cas particulier du sommet de l’Everest, la proportion de chute est très nettement supérieure avec 57,5%, mais ce ne serait pas la cause première, ces chutes pouvant être dans bien des cas la résultante d’une affection au Mal des Montagnes qui peut perturber la vision, le jugement, et tout l’organisme. Les disparitions inexpliquées, deuxième cause de mortalité avec 8,3% peuvent aussi être une conséquence du Mal des Montagne, qui directement cause 7,5% des décès (embolie pulmonaire ou cérébrale). 
Conclusion :
Quand on me dit qu’un quart des alpinistes qui tentent l’Everest y laisse leur peau, c’est faux, il ne faut pas confondre avec le K2. Le taux de mortalité depuis 1950 est de 1,52% et est très forte baisse chaque année du fait de la technicité des vêtements, des équipements des voies…  En plus, je ne vais pas au sommet et dans les basses altitudes ce taux diminue considérablement, les ¾ des décès interviennent au-dessus de 6.500m. A noter, ¼ des décès ont lieu entre 6.500 et 7.000m !
Donc tout va bien. Pas pure précaution j’ai pris une assurance spécifique rapatriement, assistance, et j’ai rédigé mes dernières volontés, mais vraiment parce que je suis hyper prudent et prévoyant.

Annexe : l’Everest et ses morts, l’Everest cimetière de braves…

Au-dessus du camp IV, les efforts sont tels qu’ils ne peuvent être consacrés à la récupération des cadavres aussi, sauf exception, ceux-ci restent là où leur hôte est mort. Certains servent de repère aux alpinistes, comme « Green Boots » - un des plus connus -  où quand on le dépasse, on sait exactement combien de temps il reste jusqu’au sommet… L’Everest est un cimetière à ciel ouvert !


Un des plus connu des cadavres de l’Everest est « green boots ».
Green boots, c’est le surnom d’un alpiniste inconnu, occidental ou sherpa, on ne sait pas, qui aurait succombé à priori lors de la tempête de 1996 (celle de l’histoire du film « Everest ») et qui est devenu un repère pour tous les alpinistes qui s’attaquent au sommet par le nord (Tibet). Le corps est à 8.460m entre le camp d’attaque (le camp 5 côté nord, et les derniers obstacles techniques de l’ascension). Il avait des bottes vertes, ce qui est assez rare dans la gamme des chaussures thermiques de haute montagne (voir mon article sur les chaussures) d’où son surnom. La photo ci-dessus est aussi une des plus connues des cadavres de l’Everest. Son corps était soudé à la roche à cause du gel (il ne fait jamais plus de -25° à cette altitude) mais il paraît que depuis 2014 on ne le voit plus, qu’il aurait été déplacé et enseveli par la neige…
Green boots était aussi le symbole du « chacun pour soi » qui prévaut dans la death zone (> 7.900m) ou l’Esperance de vie est de… 48 heures et où, contrairement à la philosophie des montagnards, il n’est pas question de risquer sa vie pour sauver celle d’un inconnu. Chacun pour sa pomme… pas besoin d’aller au-delà de 8.000m pour connaitre cela, venez travailler dans ma banque à 33m d’altitude (Paris), vous saurez de quoi on parle !

L’autre cadavre illustre de l’Everest s’appelle George Mallory !
Lui, c’est par forcément le plus connu mais c’est mon préféré. Pour plein de raison. D’abord il  toujours voulu escalader l’Everest et quand on lui demandait pourquoi il répondait « beacause it is there » et c’est devenu une maxime de base pour tout amateur de montagne. Il a tenté, il y est resté, en 1924…. Et on n’a jamais su s’il était allé au sommet, ça reste un des mystères de l’Everest.
Ensuite parce que dans le film « Meru » (un chef d’œuvre, le plus beau film extrême en montagne) il est dit que le héros Conrad Enker, le vainqueur du Meru, la plus difficile montagne au monde, est devenu célèbre en découvrant en 1999, 75 ans après sa mort, le corps de George Mallory. Et enfin, le corps est tellement décomposé qu’il donne une idée d’Avant et Après l’Everest… j’ose la blague…


Puis un autre exemple de cadavre illustre (il y en a plus d’une centaine, fallait bien choisir), David Charp, mort en 2006, lui, il me scandalise. Il est mort près de « Green Boots » lors d’une ascension en solitaire (bon d’accord, il y en a qui cherche les complications, moi j’ai une assurance vie, Myke) il s’est retrouvé en hypothermie et a voulu rejoindre une grotte qu’il n’a jamais atteinte mais dont il montre l’entrée à tous les alpinistes. Encore un cadavre repère. Jusque-là, son histoire est un « incident » classique sur la voie du sommet de l’Everest, mais là où ça devient choquant, c’est qu’une quarantaine de grimpeur lui sont passé à côté pendant deux jours, voyant qu’il était en vie et incapable de s’assumer et qu’aucun ne s’est arrêté, qu’aucun lui a proposé son aide, qu’aucun lui a porté secours. C’est absolument contraire à toutes les règles (ce ne sont même pas des règles, mais des comportements naturels) de l’alpinisme où la priorité n’est pas le sommet mais la survie de la cordée et des gens que l’on croise, la solidarité. Bon d’accord, je n’ai jamais été dans la death zone, je n’ai jamais été plus haut que le mont-blanc jusque-là… et peut-être que l’instinct de survie efface les règles de base de cette noble discipline, mais quand même…

Son corps a été récupéré en 2007 et descendu, au moins un des cadavres des plus de 8.000 qui aura eu une sépulture traditionnelle.
Et enfin, on pourrait rajouter le cadavre de Rob Hall le héros du film Everest, lui il avait les valeurs de l’alpiniste, il a voulu aider un de des amis à accomplir le rêve de sa vie, mais il a déconné, il a oublié les règles de base de la haute montagne, c’est elle et le climat qui dicte sa loi qui s’impose à toi, il a oublié les fondamentaux de la survie au profit des élans du couer… c’est respectable. Le respect est un dû, l’estime est un choix personnel et il a la mienne, il est mort pour une belle cause.   

Mémorial Scott Fischer - Photo Antoine Bousquet mai 2017

Mémorial Rob Hall - Photo Antoine Bousquet mai 2017

Photo Antoine Bousquet
Photo Antoine Bousquet

L’Everest est un cimetière. 16 morts en 2014 dans une avalanche, 21 au camp de base en 2015 lors de l’avalanche déclenchée par le tremblement de terre, une vingtaine de mort en 1996 lors de la tempête (celle du film)… etc…

Si bien que des expéditions sont organisées pour récupérer les cadavres qui trainent au bord du chemin. L’état népalais a monté plusieurs expéditions pour cela en demandant à ses membres de ramasser au passage les déchets que les alpinistes balancent pour alléger leurs sacs. L’Everest est un cimetière et une poubelle, je ferai peut-être un autre article sur ce dernier point…